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SAINT JUDE, LE SEUL LIVRE SUR LE SAINT PATRON DES CAUSES DESESPEREES OU IMPOSSIBLES



Liz Trotta





Saint Jude





Le Saint Patron des

Prières Impossibles





Traduction de l'américain

par Annie Halter





Le jardin des Livres


Vous pouvez envoyer les premiers chapitres de ce livre à vos amis et relations par e-mail :


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© Liz Trotta

© Le Jardin des Livres® 2005

pour la traduction française



243 bis, Boulevard - Paris 75008

Attachée de Presse : Marie Guillard 01 44 09 08 78



ISBN 2-914569-34-3 EAN 8782-914569-347






Toute reproduction, même partielle par quelque procédé que ce soit, est interdite sans autorisation préalable. Une copie par Xérographie, photographie, support magnétique, électronique ou autre constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1995, sur la protection des droits d'auteur.




Prologue




Lorsque j'étais petite, des centaines d'enveloppes arrivaient à la maison en provenance des divers sanctuaires dédiés à Saint-Jude.

Voyez-vous, ma mère était terriblement attachée à Jude, et notre famille a passé plus d'une soirée à éplucher les listes des causes impossibles avec des cases à cocher pour les prières spéciales.

Puis est arrivé le jour où, comme pour les colonies de vacances et les photos d'acteurs, j'ai eu l'impression d'avoir passé l'âge des saints intercesseurs. Ma carrière de journaliste sur une grande chaîne de télévision américaine me laissait peu de temps ou d'énergie pour les questions spirituelles, sauf pour couvrir le Vatican dans les grandes occasions, ou des reportages ponctuels sur une Vierge apparaissant soudain dans le jardin de banlieue d'un quidam.

Néanmoins, voici quelques années j'ai remarqué à un ami que Saint Jude semblait avoir vraiment le vent en poupe, et qu'on pourrait y consacrer un éditorial  que sans même m'en rendre compte, j'avais mené une vie sans anicroche, en travaillant continuellement sur le territoire de Saint Jude, avec des moyens désespérés, mais sans jamais prendre conscience de sa présence.

C'était là une réflexion sérieuse.

S'il avait raison ? Alors quelque chose m'a forcée à le reconnaître : Saint Jude semblait avoir toujours été là, ce saint omniprésent qui s'était effacé quelques temps, uniquement pour réapparaître avec une fantastique revendication, celui de saint patron des derniers recours, des causes perdues, de l'impossible, bref, celui qu'on appelle au secours quand le bateau coule.


N'était-il qu'une légende ?


S'il en était ainsi, la personnalité énigmatique, mythique de Saint Jude, sans parler de sa réputation de réaliser l'impossible, le désignait comme un sujet de premier ordre pour quiconque s'intéressait à l'actualité, même de loin.

Et soudain, le mystère de sa longévité et de son secret a commencé à titiller mon sentiment d'être à la fois journaliste et catholique.

Non, ce n'était pas parce que j'avais envie de me retrouver chez moi, petite fille, assise à la table de la cuisine chez ma mère à lire les lettres de supplications à Saint Jude.

N'était-ce pas plutôt pour savoir si j'avais, moi aussi, une histoire personnelle avec lui ?

Les hagiographes, les exégètes et tous ceux qui écrivent des livres et des articles, avaient dit sur Jude tout ce qu'ils avaient à dire.

Mais pour moi, il était temps d'effectuer ma propre enquête.




Un murmure dans la rue :


Baltimore






Et ceux qui hésitent, ayez-en pitié  en les arrachant du feu. Epître de Jude.


Je veux remercier Saint Jude d'avoir écouté mes prières. Je n'avais personne d'autre vers qui me tourner... R.S. 1997





Le mafioso Vincenzo Pullara, trapu et bien en chair, affiche le visage fermé d'un homme dépositaire de sombres secrets. Vincenzo et son groupe sont en route pour effectuer une neuvaine au sanctuaire de Saint Jude, le saint patron des causes impossibles. De son propre aveu, il est en bons termes avec

« des types qui traînent dans les cafés 
», et il ne parle pas des établissements de grande classe. Ses compagnons et lui sont de l'étoffe des personnages des mini-séries de Hollywood : on chuchote leurs surnoms infantiles dans les couloirs sordides des tribunaux criminels de New York. Même le FBI a parlé une fois de Vincezo Pullara comme d'un lieutenant de la famille Gambino.

Donc, par une journée orageuse du mois de mai, lui et une quarantaine de ses amis foncent sous la pluie et dans le brouillard, tranquillement installés dans un bus Greyhound en direction de Baltimore.


Ce sont des pèlerins.


Dans quelques heures, ils s'agenouilleront au pied d'une statue d'une affligeante banalité, qui, en réalité, va transformer l'intensité de leur gratitude et de leur dévotion en un profond soulagement.

Et moi aussi je les accompagne, sans trop savoir pourquoi. Peut-être pour justifier une intuition de journaliste, un pressentiment que j'ai depuis longtemps et qui subodore qu'il se passe quelque chose de très intéressant à propos d'un homme qui s'appelle Saint Jude, quelque chose en quoi on croit vraiment, et qui, bizarrement, est souvent vérifié, mais qui n'a jamais été exploré.

Lors de mon enfance catholique, très représentative de toute une époque, et à présent incroyablement lointaine dans mon souvenir, Jude se tenait immobile parmi d'autres saints. S'il était plus ténébreux et plus artificiel que les autres, en revanche il est accrédité du pouvoir aussi vaste qu'imprécis, de secourir et de sauver les causes les plus perdues. Ténébreux, c'est vrai, mais devenant imposant comme l'ombre d'une montagne grâce à l'intense conviction et à la dévotion du grand nombre de ses partisans.

De façon impersonnelle certes, Jude est devenu pour moi plus réel dans ma vie d'adulte. Avec ses fervents admirateurs et ses oeuvres étranges qui surgissent à des endroits inattendus, le saint reste à l'arrière-plan. Sans cesse, je me heurtais à des histoires de ce Soldat Inconnu de l'esprit, qui attirait d'innombrables âmes nouvelles, des gens qui attendaient un espoir nouveau dans un monde toujours plus désespéré.

Mais pourquoi ? Et comment ? Je posé la question à Vincenzo :

« Vous savez, avant, je n'y croyais pas
 
», me dit-il,
« mais maintenant, je vois que des choses se passent quand je demande son aide. Et il faut que je le remercie 
». Et le remerciement mérite d'être de taille !


En 1987, deux redoutables procureurs du ministère de la Justice, Louis Freeh ( à présent patron du FBI ), et Rudolph Giuliani ( élu depuis maire de New York ), pistaient un certain nombre de clients des cafés vus précédemment. Ces cafés étaient impliqués dans une filière d'importation d'héroïne qui fonctionnait à partir de diverses pizzerias de Brooklyn, tout en exportant ses « pizzas » jusqu'en Sicile. Avec obstination, Giuliani et Freeh ont finalement obtenu 17 condamnations dans l'affaire de la

« Pizza Connection 
».

Accusé de s'être enfui à la suite d'un « contrat », un assassinat à la carte, le nom de Vincenzo apparaissait aussi dans le mitraillage à bout portant d'un autre accusé dans une rue animée de Greenwich Village. Et voilà le point : Vincenzo a été mystérieusement sauvé quand un témoin clé du ministère de la Justice est soudain revenu sur ses déclarations faites sous serment. Du coup, les autorités ont été contraintes d'abandonner l'accusation. Notre homme est donc convaincu que ce sont les supplications de sa femme à Saint Jude qui lui ont évité la prison. Il lui adresse un sourire rayonnant, en faisant miroiter le diamant à son petit doigt.


Dans le bus, Jerry Pullara distribue des barres chocolatées et du solide saucisson sicilien, tout en rejetant sa chevelure en arrière afin que ses boucles d'oreille en or 14 carats soient admirées. Il n'aime rien de plus qu'amener ses convives devant la statue de Saint Jude, haute de 1,70 m, trônant dans son salon du Queens :

« Je lui parle tous les jours en m'occupant de la maison
 » me confie-t-il. « Je ne sais pas ce que je ferais sans lui. Je le consulte à propos de tout 
».


Maintenant, les enfants chantent en patois sicilien  dans la lecture de Oggi, le Voici italien, et une dame tout de noir vêtue se tourne vers les voyageurs pour entonner

« In nomine Patris, et Filii, et Spiritu sancti... 
». Les pèlerins ont commencé leur voyage.

*

Voici plus de 70 ans, l'écrivain Gilbert K. Chesterton avait déjà noté que

« l'Amérique est une nation qui a l'âme d'une église 
». Cette sage remarque peut maintenant apparaître comme une véritable prémonition  du troisième millénaire, l'Amérique s'est engagée dans le réveil religieux le plus fervent de son histoire. Mais ce n'est pas un simple étalage d'anges aux yeux rêveurs, ni le tintamarre des vibrations du New-Age. Non. Il s'agit d'un mouvement commun d'esprits, d'un ardent désir des coeurs, et, de manière plus profonde, de la plainte et de la désespérance de tout un peuple qu'on a longtemps considéré comme le plus béni parmi toutes les nations : le meilleur, le plus brillant, le plus riche, le plus attachant, le plus intelligent et le plus résolument optimiste.


Et maintenant, peut-être, le plus désespéré.


La paix, la prospérité, le triomphe et la bonne conscience de la Guerre froide nous ont conduit à une époque et à un sentiment de « retour à la réalité » où nos esprits explorent eux-mêmes un vide que nul soldat américain, nulle victoire politique ne semble capable de combler. Jadis, nos triomphes intellectuels et techniques ont nourri notre légendaire optimisme, notre conviction qu'en tant que chef du monde libre,

« tout va bien 
», et, sous-entendu, du monde honorable. Il n'est guère surprenant que des gens conditionnés à voir ces talents comme les conditions préalables à tout bonheur, à tout projet et à l'estime de soi, se sentent diminués, dépréciés et désespérés au moment même de la victoire.

Quand nous découvrons qu'une petite nation du sud-est asiatique, rongée par la pauvreté, peut nous mettre à genoux, et que

« Made in Japan 
» n'est plus un synonyme d'imitation à bas prix, nous nous retrouvons face à notre propre vulnérabilité non seulement en tant que nation, mais aussi en tant qu'individu  ou, comme l'expriment les théologiens, on se retrouve aux limites de notre état de « créature ». Et le recours approprié à cette impression de perte, doit être l'espérance car, en son absence, c'est le désespoir qui attend pour occuper la place vide.


Un grand nombre de nos prières exaucées nous ont laissé sur notre faim, avec une impression de déception, d'inachevé, une fois l'exploit accompli, après le moment de triomphe, même s'il est considérable dans le monde matériel.

Les diplômés de la génération

« Moi je 
» qui aspiraient à devenir les
« Maîtres de l'Univers 
» semblent avoir découvert à l'âge mûr qu'ils ne sont même pas capables de contrôler leur propre destin.

C'est donc une époque de mutation interne, avec le besoin d'expérimenter personnellement qu'il existe bien une puissance plus importante que soi. La prière - l'ultime sensation - redevient alors à la mode. Verrons-nous le jour où, à la télévision, nous tomberons sur un animateur onctueux qui questionnera un panel d'invités sur le thème « Des gens qui espèrent trop ? »


Il existe une thérapie qui propose l'optimisme modéré, c'est-à-dire parler sans fin de soi-même et de prétendues recettes miracle pour soigner des agonies interminables  longtemps. Même le sexe - qui fâcheusement est passé pour le remède racoleur et universel de ces 30 dernières années - n'a rien libéré. Au lieu de la paix intérieure, on parvient à l'émiettement, le déracinement, le divorce, le choc des cultures, la haine raciale, la drogue, l'alcool et les maltraitances envers les enfants  insatiable et sans nom.


Après avoir défini le

« prix à payer 
», nous découvrons justement que ce monde n'en offre aucun assez élevé pour masquer ses horizons sombres et vides. On possède la Mercedes pour laquelle on a prié, et on se rend compte qu'avec elle, les libertés de notre coeur ne vont guère plus loin que nos deux jambes.

Après s'être considérée si longtemps comme

« le peuple élu 
», l'Amérique se vautre maintenant dans un dégoût de soi culturel et spirituel, alors que les églises se vident, discréditées dans l'esprit des gens comme l'Etat. Quant à la croyance que les choses vont s'arranger, que l'avenir appartient au pays choisi par Dieu, les ténèbres se dissolvent dans un malaise informe.

Sous l'effet de cette défiance de soi, sancta simplicitas, la sainte simplicité s'est amenuisée dans notre existence. Toutes les formes de foi, même dans la science, sont menacées  approximatives de l'esprit qui se précipitent pour combler la blessure béante.


Des radiesthésistes et des chasseurs d'ovnis racontent leurs histoires à plus de monde que jamais auparavant.

Les récits d'apparitions de la Vierge et d'icônes qui pleurent atteignent une fréquence jamais vue.

Les rumeurs de catastrophes millénaristes, que ce soit la Fin des Temps, ou une Nouvelle Renaissance dans un New Age insondable, vont bon train. Ils mêlent un sentiment d'urgence et parfois de terreur dans le débat spirituel.

Tous les membres d'une secte se suicident ensemble pour ne pas rater le voyage sur une comète.


Il n'est donc pas surprenant que les chants grégoriens resurgissent du passé pour rentrer dans les meilleurs ventes de disques. Ou qu'un sondage commandé par le magazine Time et CNN indique que 82% des 1004 personnes interrogées croient au pouvoir de guérison de la prière personnelle.


L'espérance, le dernier point de rencontre des mondes séculier et religieux, qui fonctionne entre le pressentiment et le désespoir, nous démontre que l'on peut en quelque sorte se frayer un chemin parmi les décombres pour continuer à avancer. Ou, pour dire les choses plus brutalement, on a l'impression d'avoir affaire à une race humaine

« déchue 
» qui doit finalement rechercher l'espérance bien au-delà des limites de la création.
« Espérer contre toute espérance 
» disons-nous, en admettant inconsciemment que l'espoir rationnel, ordinaire, doit être dépassé par une espérance plus élevée, et même irrationnelle.


En se tenant soigneusement à l'écart des services rendus par la religion dans ce monde, Saint Jude Thaddée nous fait signe, prêt à se montrer au-delà des solutions terrestres, et à nous héberger dans les territoires du dernier recours. A la fin, c'est par lassitude que nous nous en remettons à sa protection discrète, mais totale. Celui qui est épuisé se rend compte que ça vaut la peine d'attendre - il existe vraiment un recours.

Solitaire, cheminant sur une voie secrète, totalement à l'écart de la foule des signes et des recherches du millénaire, Jude attend que le juste, comme l'égaré, l'appelle par son nom. Mais à la différence d'une grande figure bien établie historiquement, c'est un saint anormal, pour un âge anormal, qui choisit le moment et le lieu de son intervention, et ce de manière aussi troublante qu'il intervient. On peut comprendre qu'une guerre mondiale ou une crise jette des foules de gens dans le camp des troupes irrégulières de Saint Jude, comme ce fut le cas dans le passé  gens se tournent vers lui dans une époque de paix et de prospérité, alors il nous faut envisager l'inquiétante perspective que les conséquences perfides du vide moral sont plus désastreuses que celles de la persécution et de la guerre.

Saint Jude Thaddée, le moins connu des Apôtres, et pourtant le plus célèbre dans le monde entier pour ses oeuvres spécifiques, s'est incorporé ou plutôt s'est évadé de l'histoire depuis le moment où le fils du charpentier l'a appelé à ses côtés. De retour aujourd'hui, il projette son ombre au beau milieu du combat éternel entre l'espérance et le désespoir et revient avec une force plus grande que jamais auparavant.

Galvanisé par une vision très spéciale, Saint Jude et les Judéens - ont fait surface au sein de l'aridité qui semble craqueler le monde entier pour y apporter le réveil de l'espérance. Non pas la grande vertu elle-même, aux contours bien définis, mais le début d'un éveil des coeurs dans le monde entier, des âmes tendues à l'extrême mais qui trouvent une dernière main secourable avant de craquer. Ce n'est pas l'espérance de la foi qu'elles cultivent, c'est l'espérance de l'espérance.


Plus déconcertant que tout, il y a l'impalpable omniprésence de cet homme mystérieux qui, sans l'appui d'une preuve historique ou théologique, a reçu l'incroyable fardeau de récupérer les causes perdues. On dit que c'est un saint. Mais est-ce davantage ? Et même

« s'il n'est qu'un saint 
», à quel autre saint ressemble-t-il ? A un Jérôme querelleur ? à un Augustin passionné ? à Thérèse ? à Jeanne ? Il échappe à ce genre de comparaisons, comme toujours. Quand on commence à chercher Saint Jude, c'est dans la rue qu'on trouve sa présence, et son histoire, là où les nouvelles devancent les journalistes ou les invités des émissions télévisées. Elle explose dans la vie des gens ordinaires, rapide et sophistiquée comme un avion furtif, saute d'une bouche à l'autre, d'un coeur à un autre, et dépasse les limites des témoins de ses oeuvres.

Ces histoires d'espérance récompensée ne viennent pas s'ajouter à une preuve solide des interventions spirituelles, comme par exemple une couverture scientifique, ou l'approbation de l'Eglise. Leur étendue géographique et économique est illimitée, le désespoir est logique  de suggestions immédiates, qui démontre que Saint Jude le fermier, l'apôtre, le prêcheur, le martyr, le saint, l'omniprésent - émerge comme l'une des figures spirituelles les plus puissantes d'Amérique.




Des fermiers au fin fond du Middle West lui élèvent de petites chapelles au bord des routes. A New York, les créateurs de mode portent des colliers Jude. Des porte-clés avec la supplication

« Saint Jude, protégez-moi 
» ornent les costumes les mieux coupés. Des malades se font opérer avec des médailles de Jude épinglées à leur robe de chambre. Des fidèles et des curieux se pressent aux neuvaines à Saint Jude dans tout le pays. On entend prononcer son nom dans les halls des hôtels, dans les bureaux de placement. Un jeune garçon fait la manche dans une épicerie coréenne pour acheter son billet gagnant à une loterie d'Etat, en disant à ses copains qu'il appellera son fils Jude.

Dans leurs petits salons à l'ambiance glauque, les diseuses de bonne aventure ont des statues de Jude. On affiche son nom sur les t-shirts, on donne son nom à un tournoi de golf, tout comme à un club de bowling ou encore à un club de vélo.


Sa présence la plus ancienne et la plus reconnaissable dans ce pays s'étale dans les colonnes des petites annonces des quotidiens et des hebdomadaires, grands ou petits. La publication de prières pour demander son aide et des formulaires de prières de remerciement sont le pivot de la dévotion à Saint Jude. Un courant pseudo-judéen, une sous-culture kitsch bourrée de superstitions et de mauvais goût, de comédie et de tragédies, fleurit, en partie favorisée par le statut d'Homme Invisible de Jude.

On ne le voit pas, mais on peut facilement avoir accès à lui, et ce Jude-là, sans fioritures, se présente avec un rituel privé et son propre fonctionnement, qui substitue la forme au fond.

D'innombrables chaînes de lettres ceinturent ainsi le globe comme des satellites :

« La chance vous sourira dans quatre jours si vous envoyez des copies de cette lettre à vingt personnes. Si vous brisez la chaîne, alors préparez-vous à subir des malheurs
 
». Des sites sur Jude crépitent sur les ondes de l'Internet  prière et un petit manuel de motivation basé sur des détails intimes de la vie de Jude, révélés par une
« visionnaire 
» italienne ( à propos de son enfance :
« la famille de Saint Jude habitait dans la même rue que Jésus 
»  sur sa vie d'homme marié :
« ils partageaient leur maison, un bâtiment à deux étages qu'ils avaient loué, avec un autre couple 
» ).


Bref, nous assistons à une explosion de Jude, à un retour vers un saint qui, bien que mystérieux, embrigade les désespérés et les esseulés, les croyants et ceux qui doutent, pour qu'ils fassent cette démarche supplémentaire envers lui pendant qu'il attend leur appel.


On dirait qu'il attend, tapi derrière la porte, qu'arrivent ces moments difficiles au cours desquels le coeur ne peut plus qu'hurler de désespoir :

« Pourquoi moi ? 
» Qu'il attend que les gens aient l'impression que même Dieu s'éloigne d'eux, alors qu'ils croient en Lui. Ou quand il leur semble impossible qu'un Dieu puisse exister.

Le désespoir ne choisit jamais, il parcourt le monde et le dévaste démocratiquement : les voies pour s'enfuir tournent court, les organismes de secours sont en panne, la foi se barricade, et l'espoir lui-même, l'ultime défense, se tarit et semble dépérir.

Dans ce mortel et éternel duel entre l'espérance et le désespoir, cet énigmatique personnage venu des chemins de traverse de Galilée progresse dans la poussière aux côtés des âmes lasses de notre monde contemporain, cette populace des désespérés qui cherchent sa main à tâtons seulement quand ils tombent pour la troisième fois. Pour eux, Jude Thaddée est le secours du Tout-un-Chacun, de ceux à qui il ne reste rien d'autre que les antiques paroles du grand psaume de David :

« Eli, Eli, lama sabachthani ? Mon Dieu, mon Dieu, Pourquoi m'as-tu abandonné ?
 
»les paroles de Jésus prononcées au tout dernier instant sur sa croix.


Alors que les murmures des inconsolables se fondent en un hymne commun, on voit que les croix portées par l'armée de Saint Jude sont infiniment variées. Les histoires qui résument ces fardeaux s'achèvent souvent à l'improviste, comme celle de feu Jimmy Hoffa, le célèbre syndicaliste-mafioso des routiers américains. Après la disparition de ce géant bizarrement bâti, son épouse Joséphine, en état de choc et devant subir une opération de la cataracte, a passé beaucoup de temps à prier chez eux devant un autel dédié à Saint Jude. Hoffa lui en avait fait cadeau juste avant sa disparition.


La plupart du temps, l'espérance est couronnée de succès, mais pas toujours immédiatement. Le histoires arrivent de tous côtés. Madame L.C. écrit de Floride :

« J'ai rêvé d'une petite statue de Saint Jude  dans ma chambre en train de parler avec moi, mais à mon réveil, je n'arrivais pas à me rappeler de ce qu'il m'avait dit. Ce songe est arrivé deux nuits de suite... Je n'avais jamais entendu parler de Saint Jude...
 
». Cette dame fit part du rêve à sa mère qui lui expliqua que c'était le saint des causes perdues. Puis elle oublia. Au bout d'une semaine, en se rendant à l'église, elle mit le pied sur un livret de neuvaines à Saint Jude, jeté par terre. N'étant confrontée à aucune situation désespérée, elle le mit de côté. Mais ce fut au moment d'une fausse-couche qu'elle se mit à prier la neuvaine à Saint Jude : elle promit de donner le nom du saint à son enfant, s'il naissait en bonne santé. Ses médecins l'avaient prévenue de s'attendre au pire, mais elle mit au monde un robuste petit garçon.
« Il s'appelle Jude
 
».


Monsieur P., un ancien combattant, se souvient d'avoir souffert à 14 ans d'une fièvre rhumatismale, compliquée par des problèmes cardiaques, qui l'obligea à rester alité pendant quatre années. Le docteur lui prédit des activités physiques strictement limitées, ce qui semblait mettre un terme à ses deux rêves, devenir boxeur ou acteur. Mais un de ses copains lui parla de Jude et

« j'ai commencé à prier très fort
 
». Quand il passa l'examen médical d'admission dans l'armée, on ne trouva aucune trace de la maladie, pas plus qu'elle ne réapparut lors des entraînements inhumains nécessaires pour être incorporé à la mythique 82e Division Aéroportée. Une fois son service militaire achevé, il devint boxeur amateur, et à l'âge de 67 ans, il s'entraîne toujours et travaille six jours par semaine :
« je crois que je ne deviendrai pas un acteur célèbre
 
» dit-il en s'esclaffant, et ajoute qu'il remercie Saint Jude tous les jours pour ce
« grand miracle de sa santé
 
».


Pour mieux expliquer ce qu'est Jude, il nous faut considérer ce qu'il n'est pas. Il n'existe pas de mythe officiel prédominant, aucune iconographie alambiquée ne le baigne d'une lumière céleste, il n'y a pas de grande histoire de Jude, ou d'association pour attirer notre attention - seulement des merveilles qu'on raconte et qu'on se répète à mi-voix, et qui passent d'un copain à un inconnu, puis à une oreille indiscrète. Curieusement, jamais personne ne semble avoir revendiqué une vision de lui. On ne voit pas pleurer de statues de Jude. On n'en trouve même pas la trace dans les programmes des écoles religieuses. Et pourtant, quand tout le reste a échoué, quand tous les

« spécialistes notoires 
» se sont cassé les dents sur la tâche, on sait que Jude traîne dans les coulisses. Et c'est seulement plus tard que les gens se rendent compte que cette présence, c'est Jude. C'est en prenant du recul qu'ils le reconnaissent. Ils ne se présentent pas de face comme d'habitude, et selon les règles soigneusement codifiées de l'église, en demandant :
« A qui dois-je m'adresser pour ceci ? 
» Il y a la méthode des bureaucrates de Rome, et puis, il y a Saint Jude, l'apôtre révéré de Jésus, et en même temps très différent de Rome, de tout ce qui est organisation, bureaucratie. Les gens se tournent vers lui, souvent sans savoir si c'est un homme ou une femme, un juif ou un Gentil. Ce n'est qu'à la fin qu'ils voient que c'est à Jude qu'ils se sont adressés.


Les appels qu'on lui lance ne ressemblent pas à ceux qu'on fait à des saints que l'on prie pour les voyages en avion, sur les champs de bataille ou pour les chauffeurs de taxi, etc. Le domaine des causes impossibles embrasse un champ bien plus vaste de l'humanité, et ainsi, par définition, il exige un intermédiaire doué de pouvoirs particuliers. Etre un apôtre et probablement un cousin de Jésus, c'est sûrement cela qui fait que Jude se présente comme quelqu'un qui s'y connaît  et pourtant, ces circonstances elles-mêmes sont souvent ignorées de ses fidèles. Au lieu de ça, il arrive comme une aide sainte, comme quelqu'un qui se cachait derrière le rideau. L'immatérialité de Jude est l'essence même de sa séduction. A une époque où les saints sont célébrés à grand renfort de publicité, c'est une ombre en creux singulièrement douée, dont on perçoit à peine les contours, pas un saint monté en épingle avec des miracles tapageurs, comme la danse du soleil à Fatima, ou des sanctuaires clinquants, agrémentés de béquilles comme à Lourdes. Ce n'est pas le compagnon de toute une vie, comme on perçoit la Vierge, ou saint Christophe, réformé à l'heure actuelle. Michel-Ange ne l'a jamais immortalisé dans le marbre. Jude n'attire pas l'attention. Il est presque passif, c'est un saint de l'ombre qui voyage léger.

De nos jours où on se fait particulièrement remarquer par le bruit qu'on fait autour de soi, il se tient en silence, sans légende : Jude, c'est celui qui a choisi de vivre dans l'ombre, une guérilla qui opère en douce dans le brouillard, une apparition à l'horizon le plus éloigné, le plus lointain et pourtant, c'est celui qui entend les cris les plus faibles, les plus désolés. Il y a une qualité médiumnique autour de cela, comme si les gens ressentaient vaguement qu'ils sont connectés avec l'espérance avec Jude.


Etait-ce par accident que les Beatles ont fait de cette impression le plus gros succès de leur fabuleuse carrière

« Hey, Jude 
» ? Mentionnez le saint à toute personne qui ne le connaît pas, et attendez-vous à entendre quelques mesures de cette chanson inoubliable, un hymne à l'espérance. Depuis des années, beaucoup de gens sont persuadés que ces héros musiciens aux cheveux en bataille des années soixante étaient sous le charme du saint de l'impossible  arrivés à trouver une invocation inconsciente dans cette obsédante mélodie. Mais John Lennon et Paul McCartney ont toujours défendu l'origine profane de cette chanson, en démentant sagement les analyses psychologiques et les prédictions pêchées dans le marc de café qui prétendent que leurs paroles ont soi-disant un sens caché. Cette attitude n'est pas inhabituelle chez un groupe de jeunes de Liverpool dont le charme découle essentiellement de leur aversion congénitale pour l'affectation et qui soulignent qu'il y a toujours moins à voir que ce que l'oeil perçoit.


La plupart des récits sur l'évolution de cette chanson commencent lorsque Paul McCartney, au volant de son Aston-Martin, ramenait de Londres le fils de John Lennon, Julian âgé de 5 ans, à sa mère Cynthia. A cette époque, le couple Lennon n'était pas loin de divorcer car Yoko Ono était déjà bien installée dans la vie du musicien. McCartney, qui voulait consoler Julian, commença à chanter

« Hey, Julian 
» qui évolua en
« Jules 
», puis plus tard en
« Jude 
». Comment ? Ce n'est pas clairement expliqué, bien que certains pensent que ça convenait mieux historiquement pour la mélodie. L'explication la plus courante est que Lennon a bien aimé la chanson, et il a cru que Paul lui avait inconsciemment adressée à cause de sa liaison avec Yoko, comme si McCartney lui disait :
« Hey, John 
». Quant à la surprenante suggestion dans la chanson, qui dit qu'il faut
« un geste 
» sur l'épaule de quelqu'un ( Jude, ou John ), on raconte souvent que Lennon l'aurait entendu comme un message de McCartney :
« L'ange en lui disait ''Sois béni''
 
».

Les Beatles l'ont enregistré dans l'Apple Boutique sur Abbey Road, un magasin de vêtements qu'ils avaient acheté pour le transformer en studio. La veille de l'enregistrement, quelqu'un avait passé la vitrine à la chaux blanche et avait griffonné

« Hey Jude 
» en travers. Des commerçants se sont mis en colère en y décelant une touche d'anti-sémitisme, et quelqu'un a même fracassé la vitrine avec une brique. Peu importe. Le surlendemain, la mise au point de l'enregistrement a eu lieu en une seule prise, 7 minutes d'espoir mis en musique.

La chanson est sortie le 30 août 1968. Malgré les craintes McCartney, en deux semaines, elle est devenue un tube. Bien qu'une bonne partie soit

« gnagnan 
», des millions de gens y ont entendu l'écho de l'espérance, l'écho de Jude. Dans son livre Tell me why, Tim Riley évoque la chanson en ces termes 
:
« La touche de génie réside dans sa façon de faire participer l'auditeur au même pèlerinage 
».

Et c'est un voyage de prières, un voyage qui vous prémunit contre la crainte, ou un trop grand détachement, car ce sont des choses qui vous empêchent de retrouver la paix intérieure, ou l'espérance, tout ce qui améliore l'existence. On dirait qu'une petite chanson peut réécrire la triste musique de la vie.


*

Mais que sait-on réellement de Saint Jude ? Sa présence, furtive comme on peut l'imaginer, apparaît et disparaît de l'histoire de l'Evangile avec moins d'impact que celle d'une douzaine de caractères mineurs, y compris les trois Marie qui n'étaient pas la mère de Jésus - obscures à leur façon, car elles n'ont jamais été spécifiquement identifiées - tout comme Marthe, Lazare, Simon de Cyrène, ainsi que le bon et le mauvais larron.

Il n'y a virtuellement aucune étude sur lui, que ce soit au niveau scolastique ou populaire  personne ne sache vraiment quand et comment un apôtre aussi obscur est-il devenu dans le monde entier si étroitement associé avec les causes impossibles. Une neuvaine d'origine espagnole peu connue mais de style lyrique, datée de 1702, ne fait aucune référence à une telle connexion. Mais les auteurs jésuites des Acta Sanctorum, le précis suprême de la vie des saints, mentionnent dans le tome 12 ( volumes d'octobre ) de leur commentaire de 1863, une dévotion

« inouïe 
» à Saint Jude
« dans certaines régions 
». Ils citent un
« Petit office de Saint Jude 
» publié en 1826 qui le décrit de manière spécifique comme
« avocat spécial des infortunés et de ceux qui sont près de perdre l'espérance
 
».

La question de savoir pourquoi Jude a été

« négligé 
» rappelle une théorie souvent répétée : la ressemblance entre le nom de Jude et celui du traître Judas l'Iscariote embrouillait les gens et leur faisait même peur. Qui a finalement éclairé cette confusion, et pourquoi, n'est pas expliqué. En l'absence de preuve avérée, on peut seulement soupçonner que l'intercession efficace de Saint Jude en faveur de ceux qui vivent des situations désespérées a établi sa réputation de saint secourable.

La longueur comparée des articles consacrés à Saint Jude dans le grand Acta sanctorum souligne son mystère. Par exemple, dans un échantillonnage de Saint Jude dans les volumes d'octobre, qui recouvrent une période de plus de 200 ans, le texte sur Saint Norbert totalise 107 pages ; Saint Anselme de Canterbury, 89  Sainte Brigitte d'Irlande, 87  Saint Jude, apôtre du Seigneur, fait triste mine avec ses 39 pages à la fin.


Ce que nous savons de lui émane principalement de trois sources : les Evangiles, les écrits des Pères de l'Eglise, et la Tradition. La légende aussi a brodé, pour une part plus importante qu'à l'accoutumée, sur son histoire, aussi brève qu'elle soit. Le point essentiel est le suivant : c'est le 11e nommé parmi les 12 apôtres de Jésus. Dans l'Evangile de Jean on l'appelle :

« Judas, pas l'Iscariote
 
» sans doute pour tenter de le différencier du traître.

Chez Mathieu et Marc, on l'appelle

« Thaddeus 
» ( ou bien
« Lebbaeus 
» ), et chez Luc, tout comme dans les Actes des Apôtres, c'est
« Judas, frère de Jacques 
». Ce
« Jacques 
» ( Jacques le Mineur ) qu'on pense avoir été le fils d'Alphée ( Clopas ), est devenu le premier évêque de Jérusalem. Jacques et Jude sont tous deux identifiés comme
« les frères 
» de Jésus, c'est-à-dire des gens de sa famille, comme l'indiquent le sens contemporain du mot et d'autres preuves érudites de l'époque.


Certaines sources, basées sur une interprétation de Saint Jérôme et d'autres Pères de l'Eglise, font le raisonnement que Jude et ses trois frères - Jacques le mineur, Siméon ou Simon ( le deuxième évêque de Jérusalem ) et José ( Joseph ) - étaient cousins germains de Jésus par leur mère Marie, femme de Clopas, que l'on pense avoir été la soeur de la Vierge Marie. Certains ajoutent Mathieu, ou Lévi, un collecteur d'impôts et saint patron des banquiers, à la liste des frères de Jude.

D'autres, souscrivant à l'interprétation des textes apocryphes et de la plupart des Pères grecs, affirment que Saint Jude était le demi-frère de Jésus parce que Joseph s'était marié deux fois, une fois avec Marie femme de Clopas, qui lui avait donné quatre fils et qui était morte, et ensuite avec Marie, la Sainte Mère.

Hégésippe nomme les quatre fils comme cousins germains de Jésus du côté de leur père, Alphée, frère de Joseph. Enfin, et de façon générale contesté, le formidable Tertullien ( 

« C'est certain parce que c'est impossible 
» ) soutient que Saint Jude était véritablement le frère de Jésus, un fils de Marie et de Joseph, mais il y a trop d'objections historiques qui excluent toute revendication de validité de cette théorie. Dans tous les cas, on croit largement que c'est son lien de famille avec le Christ - probablement leur cousinage - qui est l'une des sources du pouvoir particulier de Saint Jude, et cela a donné naissance à une tradition iconographique qui accentue la ressemblance physique du saint avec Jésus.

Le nom qu'on traduit aujourd'hui par Jude, Judas et Judah n'était à l'origine qu'un seul mot hébreu, Yehudhah, ce qui signifie littéralement 

« loué par le Seigneur 
» ou
« je louerai le Seigneur 
» ainsi, la traduction anglaise de ce nom hébreu est Judah, écrit également Juda, alors que le diminutif en est Jude.


Jude, ou Judas, était donc un nom répandu chez les Juifs et les premiers chrétiens. De même que pour les autres apôtres, nous ne savons rien de l'aspect de Jude, bien que l'on puisse se faire une idée de son physique et de sa personnalité en se basant sur ses autres noms - Thaddeus, de l'araméen, et Lebbaeus, de l'hébreu qui signifient tous les deux « large de poitrine »,

« qui a du coffre 
», chaleureux, brave, généreux.

L'iconographie de Jude, son apparence dans les traditions artistiques le montre généralement comme un vieillard de type juif et patriarchal, avec une barbe longue ou courte. Il y a des exceptions modernes, comme la version où il apparaît comme une star de cinéma sur des carrelages de couleurs vives sur le mur extérieur du sanctuaire Saint-Jude à San Diego. Un sanctuaire franciscain à Mt Vernon1 offre deux modèles de Saint Jude dans leur courrier : un vieillard aux cheveux de neige assortis à une longue barbe, vêtu de brun et vert fanés, ou un jeune du genre beatnik, habillé de rouge et bleu vifs. Traditionnellement, Saint Jude porte un mélange de vert, blanc, rouge et marron, et il a les pieds nus ou des sandales. Le vert, la couleur de l'espoir dans la liturgie de l'église, est la couleur de Saint Jude. La chrysoprase, une pierre de béryl vert - doré ou une chalcédoine vert-pomme, est associée à Saint Jude comme symbole de la sagesse et rappelle la pierre de fondation de la cité d'or céleste dont Saint Jean a eu une vision.

Sur certaines représentations de Saint Jude, une langue de feu, qui le situe parmi les douze apôtres, surmonte sa tête, et dans d'autres, c'est une auréole dorée, marque de la sainteté. Souvent, il tient un livre ouvert ou fermé, censé représenter son épître, il serre dans sa main une hallebarde, un genre de hache de bataille que ses assassins ont utilisée pour le tuer. Parmi d'autres symboles associés à Saint Jude on trouve une ancre, un bateau ( qu'il tient à la main ), un enfant qui tient un bateau, un grappin, une rame, une lance, des pains et des poissons, un gourdin, une longue croix, une croix à l'envers et une équerre de charpentier. Fréquemment, il porte sur la poitrine le pectoral de Jésus, un disque qui représente le visage du Christ  de sa main. Sur un vitrail anglais, Saint Jude tient un rouleau déployé qui porte l'inscription Carnis Resurrectionem

, La résurrection de la chair, l'avant-dernière proposition du Symbole des Apôtres. Selon une tradition, les apôtres, avant de se séparer, ont composé cette déclaration de leur foi, à laquelle chacun a fourni une phrase ou une proposition. Habituellement, cependant, c'est la dernière ligne :
« Et vitam eternam 
», et à la vie éternelle, qui est citée comme étant attribuée à Jude Thaddée.

Ce que les gens voient - ou imaginent - en priant Saint Jude est variable. Le personnage barbu, paternel, voilà ce que certains invoquent, mais le plus souvent Saint Jude est un espace sans rien, un cercle blanc dans leur conscience  s'est tourné vers Jude en lisant les petites annonces nous dit :

« Je ne vois pas une statue, mais je suis tout près de visualiser certaines vertus et des caractéristiques : la paix, la sagesse, et la compassion. Ce n'est pas un visage que je vois. C'est une sorte de méditation 
».

Certains commentaires divisent Jude Thaddée en deux saints dictincts, ou alors ils distinguent Saint Jude apôtre de Thaddée, disciple du Christ. Par conséquent, les jours où on les fête sont différents : dans le rite oriental, par exemple, le calendrier syrien célèbre Saint Thaddée le 14 mai, et l'apôtre Saint Jude le 19 mai ou le 18 décembre. D'habitude, les jours de fête sont groupés en mai ou en décembre, mais l'Eglise latine réserve le 28 octobre à Saint Jude et Saint Simon  c'est important, et très probablement des frères.


Saint Jude a vécu et est mort au Ier siècle. Les sources traditionnelles concernant son ministère et son martyr ne sont pas fiables, mais une grande partie qui concerne la ligne générale de son histoire nous est parvenue pratiquement sans changement depuis l'époque où il a vécu. Il aurait pu venir de Galilée, bien que la Doctrine d'Addai syriaque cite Paneas comme étant la ville où il est né, une ancienne ville syrienne où la population vouait jadis un culte à Pan. C'est la Césarée de Philippe dans le Nouveau Testament, qui s'appelle à présent Baniyas.

Son histoire étrange, basée sur une documentation très pauvre, se déroule après l'Ascension. Privés de leur Maître, les apôtres ont dû affronter l'épineux problème d'incorporer des Gentils dans une Eglise formée de juifs. La révolte contre la domination romaine et la destruction de Jérusalem et du Second Temple a dû être une épreuve atroce pour les disciples qui ont vécu assez longtemps pour en être témoins. Mais l'ensemble des épreuves subies dans les premiers temps par l'Eglise missionnaire est difficile à imaginer. Les paroles de Paul font état des conditions toujours dangereuses, et souvent brutales dont Saint Jude et les autres apôtres ont dû triompher quand ils répandaient la parole du Christ :


« Trois fois, j'ai été battu de verges ; une fois lapidé  trois fois j'ai fait naufrage. Il m'est arrivé de passer un jour et une nuit dans l'abîme !

Voyages sans nombres, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes compagnons, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des faux frères !

Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité2

».


Au départ, trois récits des voyages de Jude émergent des travaux de ceux qui ont rédigé des fragments de son histoire : Eusèbe, que l'on cite souvent comme le père de l'histoire de l'Eglise, a consigné le récit le plus ancien qui existe de nos jours  siècle est la plus répandue  après un échange de lettres entre le Christ et le roi Abgar d'Edesse, Jude a fait le voyage jusqu'à ce royaume où il a guéri et converti Abgar au nom du Christ ressuscité. Un auteur du VIe siècle, que l'on ne connaît que sous le nom du pseudo-Abdias a raconté les voyages de Jude en Perse  Jude et Saint Simon voyagent, prêchent, et meurent ensemble. En dernier, l'historien médiéval Pawstos Buzand a dépeint comment Jude a fondé l'Eglise d'Arménie ( les Arméniens revendiquent le fait d'avoir été la première de toutes les Eglises chrétiennes nationales ) et a décrit sa mort dans ce pays sur l'ordre du roi.

Eusèbe, historien grec chrétien, trace l'itinéraire missionnaire de Jude à travers beaucoup de pays dans son Histoire Ecclésiastique, alors que le Bréviaire Romain ne mentionne que la Mésopotamie et la Perse. Après l'Ascension, on croît que Jude s'est mis en route pour parcourir la Judée, la Samarie, l'Idumée et la Syrie, mais plus spécialement la Mésopotamie et l'Arménie. Comme Simon, Jude pourrait avoir été l'un des zélotes, le parti nationaliste juif annihilé lors de la rébellion catastrophique de l'an 70. Les légendes qui survivent depuis le XIVe siècle attribuent à Saint Jude et Saint Simon une oeuvre de missionnaires, couronnée par leur martyre en Perse entre l'an 64 et 69. Le martyrologe de Fortunatus et d'autres accréditent ces légendes  c'est pour cela que les deux saints sont commémorés ensemble depuis le VIIIe siècle. Certaines traditions disent que Jude est peut-être retourné à Jérusalem après le martyre de son frère Saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem en l'an 62, et qu'il a assisté à l'élection de son successeur Simon, un autre des frères de Jude.


La tradition principale de Jude est symbolisée par le portrait type où il porte l'image de Jésus sur la poitrine, en référence à la légende d'Abgar, le roi d'Edesse ( de nos jours, la ville moderne de Ufa en Turquie orientale ). En entendant parler des miracles de Jésus, le roi lépreux a envoyé un messager pour Le supplier de venir, mais on lui a dit qu'il lui faudrait avoir la foi, et attendre de recevoir la visite de l'un des disciples de Jésus.

Une version de l'histoire prétend que la description du messager était si enthousiasmante qu'Abgar a immédiatement envoyé le peintre de la cour pour dresser le portrait du Christ  en fut incapable de le peindre. Emu, Jésus a pressé un manteau sur son visage imprimant, dessus ses traits. Le messager d'Abgar est retourné avec le linge et le roi l'a conservé dans son palais.


Après la Crucifixion, Jude s'est déplacé jusqu'au minuscule royaume, et a guéri le roi de sa lèpre en lui appliquant le linge saint.

Cependant, le récit le plus populaire de cette légende tenace diffère sur des détails mineurs en investissant Jude d'un rôle plus important, principalement en lui faisant apporter lui-même le linge saint à Abgar, guéri à son arrivée à Edesse. Dans tous les cas, la légende de base fournit la source du

« Mandylion 
», la miniature du Christ qu'on voit sur la poitrine de Jude sur les tableaux et les statues, et que l'on retrouve même aujourd'hui. Si l'on considère les habitudes des temps antiques, les reproductions en miniature n'étaient pas rares. Des signes, des symboles et des portraits de ses aïeux étaient une marque de respect au moins depuis la période de la Rome païenne, quand on portait les masques des ancêtres à bout de bras pour qu'ils participent aux processions funéraires. Le masque du mort invoquait la présence du défunt, ce qui contribuait à lui assurer ainsi l'immortalité. Pline décrit l'ancienne coutume d'orner un bouclier d'un portrait du défunt, et de le suspendre dans un temple ou dans quelque endroit public. C'est dans cet esprit, mais de façon plus intense, que le roi Abgar a reçu la sainte image.

Jude a reçu la mission, ou a choisi d'aller dans la Perse zoroastrienne, de toutes les terres du monde antique, peut-être la plus hostile à toute autre foi, comme champ d'action pour exercer sa mission.

Ici, nous avons une nouvelle légende : le général babylonien Varardach ( Babylone était une région de l'ancienne Perse ) s'apprêtait à déclarer la guerre à l'Inde et exigeait d'en connaître l'issue. Les magiciens de la cour Zaroes et Arfaxat, qui complotaient déjà contre Saint Jude et Saint Simon, ont invoqué les dieux païens et ils ont prophétisé une guerre longue, avec beaucoup de souffrances. Mais les apôtres ont prédit que l'Inde allait rapidement implorer la paix, ce qui s'est révélé exact, en vertu de quoi Varardach a ordonné qu'on mette les magiciens à mort. Saint Jude et Saint Simon ont alors plaidé pour qu'on leur laisse la vie sauve, et comme fruit d'une telle clémence, ils se sont attiré la haine inextinguible des prêtres païens. Les paroles d'avertissement du Christ, qu'ils se sont sans doute rappelées, résonnent dans l'Evangile de Saint Mathieu :

« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups : soyez donc avisés comme des serpents, et doux comme des colombes 
».

Les deux hommes sont partis en hâte vers l'est et vers le nord, en convertissant des foules de gens, peut-être jusqu'au sud de la Russie, jusqu'à ce que, au bout de plusieurs années, ils retournent enfin en direction d'Edesse, en Mésopotamie orientale. A quelques heures ou à quelques jours des portes de la ville, ils se sont dit adieu, et Simon s'est dirigé vers le nord, tandis que Jude a continué son chemin. Mais une populace vengeresse, probablement encouragée par les magiciens, a tendu un guet-apens à Jude et on l'a taillé en pièces à coups de hache. Pendant ce temps, Simon, tombé dans une embuscade tendue par une autre bande, a été crucifié, ou bien, selon certaines versions, scié en deux.

Hormis le nom de Jude sur la liste des apôtres de l'Evangile, la preuve scripturaire la plus fiable est double : une question qu'il pose à Jésus au cours du Dernier Repas ( la seule fois où l'apôtre prend la parole dans le Nouveau Testament ) et dans l'Epître de Saint Jude, qui, en dépit des dénégations des chercheurs modernes, a probablement été rédigée de sa main entre 62 et 65, avant la destruction du temple de Jérusalem.


Quant à la question elle-même, elle semble très claire  dans la perplexité : bien qu'ils aient été les témoins des miracles du Christ, les apôtres, toujours assaillis de doutes, l'ont questionné avec précision lors du repas de la Cène. Après avoir discuté dans quel ordre ils vont s'asseoir, ils prennent place, Jude à gauche de Jésus, le deuxième en partant du bout de la table ( où la Tradition semble le mettre habituellement ). Les apôtres demandent à Jésus quelles sont les règles du royaume promis, et il répond par ce qui allait devenir l'un des passages les plus immortels de l'Evangile de Jean. Alors, soudain, comme un éclair surgissant d'un trou noir, Saint Jude intervient brusquement :

« Seigneur, d'où vient que vous vous découvrez à nous, et non pas au monde ?
 
».

Il est clair que Jude attendait avec impatience que le Christ déploie son règne et sa majesté. L'ironie est que ces mots sont prononcés par un saint dont l'essence même se fonde sur le mystère. Pour le dire d'une façon moderne, on pourrait imaginer un publicitaire qui conseillerait à son client entrepreneur et trop discret de monter une campagne publicitaire et d'organiser un téléthon, de louer un avion pour écrire des messages dans le ciel, de faire n'importe quoi, simplement pour faire passer le message. La réponse du Christ est profondément énigmatique :

« Si quelqu'un m'aime, il gardera mon commandement, et mon Père l'aimera  demeure en lui
 
».

Est-ce qu'il dit à Jude que la meilleure façon de faire passer son message consiste à se mettre au travail, de sorte que l'efficacité d'un tel travail,

accompli peut-être dans l'ombre, va transformer le monde ? Cette théorie, bien entendu, s'inscrit au bénéfice de la sagesse d'après-coup  postérieure de Jude de s'attaquer aux causes désespérées. D'autre part, la façon dont Jude et les autres apôtres vont évangéliser, laissant une trace de feu dans tout le monde antique, peut difficilement être taxée de discrète ou d'avoir été réalisée dans l'ombre. Le grand orateur français du XVIIe siècle, Jacques Bénigne Bossuet, en réfléchissant sur la question de Saint Jude dans ses Méditations sur l'Evangile, a une approche totalement différente de la question :
« Saint Jude va d'abord au grand mystère : d'où vient-on ? Qu'avons-nous fait, qu'avons-nous mérité de plus que les autres ? Eussions-nous crû, si vous ne nous aviez donné la foi ? Vous eussions-nous choisi, si vous ne nous aviez choisi le premier ? 
»

Bossuet maintient que Jésus n'a pas répondu à la question. Au lieu de cela, il répète à nouveau le coeur du message :

« Gardez les commandements... Tout le reste est le secret de mon Père, le secret incompréhensible du gouvernement, que le souverain se réserve
 
».

Toutefois, Jésus semble dire que ce n'est pas au moyen de signes et de merveilles qu'il faut convaincre le monde, que les changements fondamentaux se passent secrètement à l'intérieur du coeur de chaque être humain. Il n'est pas question de convertir des nations, et d'imposer la victoire à des peuples élus, mais de révéler le royaume de Dieu en douceur, en répondant à chaque plainte solitaire. Voilà la consigne que Jude a reçue de son Maître, et qu'il respecte d'un bout à l'autre de la terre et jusqu'à la Fin des Temps.


La fracassante Epître de Saint Jude, qui fait partie du canon de l'Eglise, est la dernière épître du Nouveau Testament, et l'avant-dernier livre de la Bible. Elle s'adresse en particulier à des juifs convertis, en les avertissant contre les hérésies qui secouent l'Eglise. Probablement rédigée à Jérusalem et ne contenant qu'un chapitre de 22 versets, l'Epître de Jude est remarquablement identique à la seconde Epître de Pierre, bien qu'elle soit la plus ancienne des deux. L'auteur fait allusion à lui-même à la première ligne comme

« Jude, le serviteur de Jésus le Christ, et le frère de Jacques 
», sans doute pour être sûr qu'on l'identifiera comme étant le frère de celui qui est à la tête de l'Eglise de Jérusalem. Dans cette lettre, d'un style poétique et sévère, il dénonce férocement les fausses doctrines et les hérétiques à l'intérieur de l'Eglise, spécialement ceux qui nient la véritable humanité du Christ. Il exhorte les fidèles à éviter ces
« nuées sans eau que les vents emportent ... ces astres errants auxquels les ténèbres épaisses sont gardées pour l'éternité...
 
»

Le fait que Jude soit bien l'auteur de l'Epître a été reconnu par l'Eglise de Rome en l'an 170, par l'Eglise d'Alexandrie ainsi que l'Eglise africaine de Carthage à la fin du IIe siècle, par l'Eglise primitive de la Syrie Orientale au IIIe siècle, et universellement acceptée par l'Eglise d'Occident au début du Ve siècle. Cette reconnaissance précoce et très large qui représente la voix de l'ancienne tradition souligne l'authenticité de la rédaction par Jude. Toutefois, certains érudits modernes en doutent  ce rebondissement trouble encore davantage les discussions à son sujet. Ils citent, parmi d'autres objections, la référence :

« Rappelez-vous ce qui a été prédit par les apôtres de Notre Seigneur Jésus Christ 
», en prétextant que cela suggère que l'auteur n'était pas un apôtre, et qu'il doit avoir rédigé ce texte au IIe siècle.

Réfutant cette théorie, d'autres érudits n'y voient pas de morcellement dans le temps, mais seulement un

« changement de lieu 
» qui a conduit Jude à éviter de dire qu'il était un apôtre. De plus, ajoutent-ils, aucune des références sur les fausses doctrines n'indique qu'il s'agisse d'autre chose que de la période apostolique. Une autre objection soulevée quant à la rédaction par Jude, est que le style grec est trop cultivé pour avoir été celui d'un pêcheur ou d'un fermier pauvre de Galilée. Le fait que Jude ait pu dicter ses paroles à un scribe, ou qu'un texte original en araméen ait été perdu pour nous, sont des possibilités qui n'ont absolument pas été évoquées. Comme tant d'autres choses qui touchent à Jude, la preuve de son authenticité de rédacteur s'est dissipée dans la brume des siècles.


Dans son Histoire Ecclésiastique, Eusèbe cite Hégésippe qui raconte que Jude avait deux petits-fils, Zoker et Jacques, qu'on a arrêtés parce qu'ils portaient le nom de la maison royale de David, titre de première importance chez le grand peuple dispersé de l'histoire. Reconnus inoffensifs, on les a acquittés et relâchés, même sous l'implacable empereur Domitien, et ils ont continué à diriger les communautés de Palestine. Ceci nous indique que Jude était aussi un époux et un père avant d'être appelé à son apostolat.

Les grands saints ne se sont pas particulièrement souvenus de Jude avant la dernière partie du Moyen-Age : Bernard de Clairvaux, mort en 1153, est connu pour lui avoir voué une profonde dévotion, et il demanda qu'à sa mort soit placé sur sa poitrine une relique de Saint Jude, et qu'elle soit enterrée avec lui.

En 1548, le pape Paul III a accordé une indulgence plénière - la rémission de toutes les peines temporelles encourues pour avoir péché - à ceux qui visiteraient la tombe de Jude le jour de sa fête, ce qui indique une injonction chaleureuse, et même vigoureuse. Depuis le Moyen Age jusqu'au XIXe siècle, sa trace s'estompe, jusqu'à ce que apparaissent en Europe occidentale des livres à son sujet. Bien que le Concile Vatican II mette en garde contre des dévotions excessives à des saints, qui sont parfois un champ fertile en thèses peu orthodoxes, pour les remplacer par un discours plus intellectuel et plus théologique, la suppression des dévotions aux saints par les catholiques modernes - ardemment souhaitée par les liturgistes progressistes de notre époque d'aggiornamiento - n'a jamais vraiment marché. Au contraire, dans les dix dernières années, on a assisté à une recrudescence des pratiques de dévotion. Ce changement silencieux mais profond du climat spirituel,

« un profond désir du coeur
 
» comme l'exprime un prêtre, est une réaction contre ce que certains catholiques voient comme une Eglise moderne aseptisée qui balaie ce qui semble mystique, et qui rejette les prières de dévotion comme une attitude ethniquement primitive.
« Le vilain petit secret, c'est que l'Eglise n'aime pas ce qui est ethnique
 
» dit un prêtre blanc qui travaille dans une paroisse peuplée de noirs et d'hispaniques.
« Il y a une abominable condescendance de la part de gens très larges d'esprit
 
».


D'autres affirment que beaucoup de gens recherchent Jude comme intermédiaire parce qu'ils sont accablés de culpabilité, effrayés de s'approcher directement du trône de Dieu. Le père Joseph Chinnici, historien des dévotions de la Graduate Theological Union, de l'université de Californie de Berkeley, nous dit :


« Nous apprenons que la liturgie seule ne peut pas porter tout le poids de l'expression spirituelle. A la suite du Décret sur la Liturgie, formulé par Vatican II, on a concentré l'attention sur l'Ecriture et la liturgie, et cela coïncidait avec une grande réflexion qui désapprouvait les pratiques de dévotion et la théologie. L'histoire des dévotions - la Sainte Vierge, les Saints, des Saints moins connus apportés par les églises d'émigrés - tout ça, c'était l'expression personnelle du catholicisme. Maintenant, les pratiques de dévotion reviennent en force. Il y a un engouement considérable pour les icônes - même de Dorothy Day et de Martin Luther King. 
»


En tous cas, dans le monde moderne, Jude est une superstar :

« On reçoit plusieurs centaines de milliers de demandes chaque année au sanctuaire national de Chicago, et la liste d'adresses pour le sanctuaire de Baltimore comporte au moins un demi-million de noms. Nous recevons environ 500 lettres par semaine
 
», dit le frère responsable
« et beaucoup contiennent un don
 
».


A l'heure actuelle, il y a probablement plus d'églises dédiées à Saint Jude aux Etats-Unis qu'à n'importe quel autre saint, en dehors de l'exception évidente de la Vierge. Alors qu'aucun chiffre précis n'est connu, on suppose qu'il y a des milliers de sanctuaires et d'églises sous son patronage dans le monde entier, et des millions de gens qui recherchent des livres et des objets sur Saint Jude, que ce soit dans les églises, dans les boutiques religieuses, ou dans les ventes par correspondance. Pourtant, il semble qu'il y ait un paradoxe entre le zèle de l'Eglise à assurer la promotion de Saint Jude, et en même temps sa circonspection à son égard, la crainte que sa popularité n'induise des croyances théologiquement suspectes. Sans cacher son dédain pour cette dévotion, un dominicain fraîchement ordonné, prêtre à Washington D.C. a dit :

« C'est Jude qui remplit les caisses, et on le sait
 
».


Cette analyse cynique souligne l'ambivalence officielle pour la promotion de Jude comme avocat de l'Eglise pour les causes perdues ou impossibles. Mais l'un de ses fans, un prêtre jovial, s'en moque, tout simplement :

« Si c'est Saint Pierre qui détient les clefs de la porte sur la rue, c'est assurément Saint Jude qui est le concierge de la porte de derrière
 
». Le père John Padberg, un jésuite, propose cette analyse bien réfléchie :


« La fête de Saint Jude est liturgique, mais la dévotion à Jude est para-liturgique, et basée sur la tradition catholique, comme le sont les chapelets, les médailles, la dévotion à Fatima... Les gens ont besoin d'objets sur lesquels ils peuvent s'appuyer. Ce sont eux qui forment la base  ils constatent que c'est une main-mise sur la réalité de la foi, que nous en faisons partie tous ensemble, dans la communion des saints. Et prier Jude - si cela veut dire grandir en piété et en sainteté - alors, Dieu en est satisfait 
».


Le pouvoir de Jude de durer dans le temps peut provenir du fait qu'il se sent tranquillement chez lui dans notre monde, qu'il s'y sent plus simplement et mieux que dans l'Eglise, qu'il est centrifuge par rapport au pouvoir, plutôt que centripète. Ce ne sont pas les gens à l'intérieur de l'Eglise qu'il attire, au contraire : il va les chercher, et d'une certaine façon, ces personnes réagissent. C'est ce qui est arrivé au plus lourd champion de billard à

« Quinze Billes 
», le célèbre Minnesota Fats. Ce n'est certainement pas en discutant de religion qu'il s'est acquis sa célébrité, et pourtant, il a indirectement attribué à Saint Jude son triomphe sur son adversaire Lou Russo, un homme d'affaires de New Jersey :
« Les gens aimaient bien raconter que je perdais tout le temps
 
», dit-il avant de marquer une pause.
« J'étais à un cheveu de perdre. Je m'en souviens, c'était il y a environ 30 ans : j'ai dû appeler le saint qu'on appelle pour des choses impossibles
 
».

A cette époque-là, Fats pesait 140 kg, et il lui a bien fallu admettre que le plancher

« gémissait et craquait 
» sous ses pas. Avec une somme considérable à la clef, tout le match se jouait sur la dernière bille. En silence, il a demandé l'aide de Jude et a dit froidement :
« Une bille sur la bande opposée
 
». Au moment précis où la bille était empochée, le plancher s'est effondré ! Le plus lourd et le plus grand champion du monde de billard est passé à travers comme une pierre :
« C'est là que j'ai été le plus près de perdre un match. Il y a des gens qui sont prêts à casser les planchers pour tenter de m'arrêter sur ma lancée
 
».


La quête perpétuelle de Jude, c'est comme essayer d'apercevoir un homme invisible, ou de courir pour lancer un drap sur une forme insaisissable afin de faire surgir ses contours. Mais à la fin, on voit juste le drap glisser. Même à ce moment-là le contact ne nous est pas permis, et à chaque fois, cette silhouette trompeuse se dissout après qu'on ait eu la preuve de ses pouvoirs. Dans la pénombre des certitudes et des rituels confiants, Jude est lui-même un esprit, sans ces histoires glorieuses qui nimbent les cultes des saints classiques un célèbre emblème, des tableaux grandioses, des basiliques grandes comme des cavernes, les moments forts de leur histoire : Saint Etienne qui pardonne à ses persécuteurs sous la pluie de pierres  de flèches  feu  du pain qui se transforme en roses rouges dans sa cape.

Pourquoi un saint qui n'a pratiquement aucune légende pour le caractériser, aucune basilique magnifique, ni aucun emblème racoleur peut-il continuer à se dresser sur l'autel du catholicisme triomphant contemporain, voire turbulent, et qui se plie aux usages de notre époque ? Sans efforts et à contre-courant, Jude revient vers les cataractes gémissantes de la modernité comme un saumon géant fantôme qui s'élance pour retourner dans sa frayère d'origine. Silhouette tout à fait hors normes ( si on peut le qualifier de silhouette ), Jude est la dernière personne qui se retrouve en haut du tableau de service des Saints de ce siècle pour effectuer toutes les corvées autrefois réservées aux saints auxiliaires maintenant éclipsés. Peut-être la question est-elle de savoir vers qui les gens se tournent quand la tradition est déracinée. C'est très important car cela représente un transfert profond à une époque où on a l'impression de se trouver à court de vérités.

Du coup, il est logique que ceux qui s'en remettent à Jude, ainsi que le Saint lui-même, se montrent dans ces jours où l'Eglise retourne au dépouillement, où elle tourne le dos aux apparences dans une époque où l'apparence est reine. En fait, les éléments tapageurs de la religion sont maintenant devenus les vitrines de la pratique protestante : les cérémonies télévisées, les immenses églises, les croisades de prière, intenses et spectaculaires. Pendant ce temps, à l'intérieur d'une institution solide comme le roc et où le rituel pompeux est bien organisé, les catholiques continuent à démystifier et à atténuer son éclat pour revenir à une Eglise plus simple qui choisit de se passer de la gloire de ce monde. Et on dirait que Jude a anticipé la transition de l'Eglise dans le monde moderne.

Il n'a jamais perdu sa place dans les pays du tiers monde de la post-conversion, particulièrement dans toute l'Amérique latine puisqu'on trouve un vaste sanctuaire au Chili et un autre aux Philippines, ainsi qu'un grand sanctuaire aux Indes. Alors que les dévotions les plus classiques, toutes penaudes, sont rétrogradées au rang des pratiques antiques, nous nous trouvons confrontés avec la dévotion à Jude, saint dont l'expansion a gagné du terrain au cours des 30 ou 40 dernières années, à une époque précise qui a vu la disparition régulière des dévotions traditionnelles. Pourtant, Jude n'est pas plus visible maintenant qu'avant, mais le fil d'or des miracles qu'il tisse jour après jour s'étend toujours plus loin sur un monde de grisaille.

« Je pense que l'élan est donné par les gens, plutôt que par les autorités de l'Eglise
 
» déclare le père Thomas Hayes, un vieux routier dominicain, directeur du sanctuaire Saint-Jude de San Francisco. Il explore laborieusement les dossiers pleins des lettres remplies des angoisses passées de ceux réduits à la dernière extrémité.
« Je crois que c'est à lui que les gens s'identifient au milieu de leurs propres situations embrouillées. Dans leur désespoir ou leurs difficultés il se sentent seuls
 
». Puis il réfléchit quelques instants.
« Ils connaissent la solitude et l'aliénation. Alors ils se confient à Jude, qui se trouve dehors, l'un des Douze, mais dont personne ne sait grand chose. Je crois que c'est à ça qu'ils s'identifient. Ils se disent : ''Voilà, ça, c'est pour moi !'' Même ceux qui ne sont pas catholiques se sentent seuls et veulent appartenir à quelque chose. On veut toujours être des héros 
».

Et les dossiers du père Hayes sont un catalogue de cas désespérés reconquis par l'espérance :



un bébé se noie en Californie du Sud  applique de l'huile de Jude et il revient à la vie.


- la nièce d'un prêtre est enceinte  conseillent un avortement pour raisons médicales  prie Jude et reste alitée  et son bébé se portent bien.


un employé d'assurance prie pour obtenir une promotion importante à Portland 

au Sri Lanka, un ajusteur se blesse au dos  petit sanctuaire Jude dans les montagnes de son pays  des porteurs pour l'y emmener, et une fois sa visite effectuée, il reprend son travail.

Jadis gardienne de traditions immuables, riche en cérémonies très ritualisées, l'Eglise s'est ajustée à l'esprit moderne et égalitaire en choisissant souvent la discrétion et un profil bas pour défendre sa position unique dans un monde à la morale approximative. Mais il reste un sens à ce Jude qui perce, semblable à la manière dont Elie a entendu la voix de Dieu dans la tourmente :


« Et après le tremblement de terre, un incendie  Seigneur n'était pas dans le feu, et après le feu, une petite voix douce
 
».


Jude est toujours là quand tout le reste s'est désintégré. Sa caractéristique est son absence, une sainteté silencieuse, tellement mise en sourdine que l'Eglise ne le commémore qu'en associant le jour de sa fête avec celle d'une célébrité en or massif, Saint Simon.

Alors que c'est la débrouillardise qui a la réputation d'être la technique la plus efficace et la plus sûre, Saint Jude est à la fois le saint et le portier  invoque quand tout le reste s'est brisé entre vos doigts. Le chercheur fait écho à ce père en détresse, qui, en suppliant Jésus de guérir son fils possédé par un esprit mauvais, prononce une phrase qui est l'essence même de l'espérance qu'elle transforme en confiance :

« Seigneur, je crois, viens en aide à mon peu de foi
 
». Imaginez un saint dont le rôle serait le suivant, quelqu'un qui serait là pour dire :
« Je sais que tu ne crois pas vraiment. Je sais que tu ne sais pas quoi espérer au juste. Mais tourne-toi vers l'espérance plutôt que vers la foi. ''Saint Jude, j'espère, viens en aide à ma désespérance''
 
».


Il y a le bruit de la popularité à tout prix, du quart d'heure de célébrité tournant sans fin d'une personne à l'autre, comme le magazine Public, ou la télévision qui propose avec obstination des gens prêts à déballer encore plus de leur vie intime, ou qui parlent à l'infini sur les aspects les plus embarrassants de leur personnalité  une silhouette totalement anonyme dans le sens où il n'existe pas de chronique de sa vie. La légende de Jude, c'est justement qu'il n'a pas de légende. Pas de visions de Jude. Pas de mythologie. Et pourtant, comme un rayon de soleil qui brille à travers la lézarde d'un mur, il a l'art et la manière de s'infiltrer dans la vie survoltée et déboussolée des grands-mères catholiques, de producteurs juifs, de patriciens anglicans, de vedettes de Hollywood, et même de prisonniers. Les chapelles dans les prisons, comme à San Quentin, sont souvent consacrées à Saint Jude. Ceux qui n'imaginaient même pas jeter un coup d'oeil sur les saints officiels du catholicisme établi se retrouvent en harmonie avec ce franc-tireur de la chrétienté, ce Clint Eastwood qui fait simplement son boulot dans une ville assiégée, avant de reprendre son chemin. Il ne leur reste - il ne nous reste - que cette question de bande dessinée :

« Qui était cet homme sans visage ? 
»

En se l'appropriant, les centaines de sites Web consacrés à Saint Jude sur les vastes extensions de l'Internet l'ont même propulsé dans l'univers de la cyber-réalité. On peut surfer sur la biographie de Jude, voisinant celle de l'Archange Saint Michel, auquel il est associé dans au moins une des traditions anciennes  Saint Jude,

« Du pain et des poissons 
» lancé par un groupe non-confessionnel avec l'objectif de lutter contre la faim dans le monde, ou l'Ordre Œcuménique de la Charité à Vancouver,
« un ordre religieux ouvert aux homosexuels 
». Des publicités pour des églises dédiées à Saint Jude vous disent tout, depuis le conseil
« comment aller au sanctuaire ''national'' de Chicago 
» jusqu'au plan de masse d'une église moderne style
« bungalow 
» à Blackwood dans le New Jersey.

« Le pouvoir de Saint Jude
 
», un vade-mecum3 de Jude publié à Redondo Beach en Californie, se balade sur l'Internet  visionnaire italienne, Maria Valtorta ( 1897-1966 ) une italienne paralysée ( sauf de la main qui écrivait ). De la culture judéenne dans ce qu'elle a de plus suspect. En se basant pour leurs premières recherches sur la traduction en anglais des 5 volumes de rêveries de la signorina Valtorta, Le poème de l'Homme-Dieu, les auteurs concèdent :
« Nous vous le représentons, pas nécessairement en raison de l'exactitude des faits relatés, mais afin qu'il vous soit plus facile de vous mettre en contact avec Saint Jude 
».

En ajoutant que le livre a été mis à l'Index ( maintenant disparu ) sous le pape Jean XXIII, et que le Journal du Vatican l'a qualifié de

« mauvais roman 
», les auteurs de ce résumé électronique défendent la signorina Valtorta qu'ils pensent être douée
« d'une incroyable imagination 
», ou de réelles visions, ou de la capacité de retrouver des souvenirs d'une vie antérieure où elle marchait véritablement aux côtés de Jésus. Courageuse âme réincarnée qu'elle était, Maria Valtorta remplit simplement les blancs du Nouveau Testament avec des trouvailles telles que :
« Saint Jude habitait dans la même rue que Jésus, et enfants, ils jouaient ensemble 
».

Finalement, dans une grande bouffée d'émotion hystérique, la visionnaire révèle que Saint Jude a épousé une femme qui s'appelait Marie, à laquelle il est resté longtemps marié, et quoique pauvre fermier, la moitié de ses revenus partaient en impôts. Les auteurs agrémentent les révélations de Valtorta d'expressions religieuses excessives : Saint Jude, alias le

« Grand Compagnon 
» ou
« La Puissance 
», ne peut s'atteindre que
« en définissant vos buts 
», en
« bannissant les pensées négatives 
», et finalement en
« accédant à la Puissance 
».

De toute évidence, l'histoire de Saint Jude est truffée de paradoxes. En réalité, c'est ce qui finalement le définit, car nous n'avons rien d'autre à quoi nous raccrocher. Il fonctionne à bien des égards comme un demi-dieu païen plutôt que comme un saint chrétien, en réalité un saint qui fonctionne comme un païen. Les incroyants s'adressent à lui  de conversion. Il est complètement en dehors des expériences ordinaires des saints auxiliaires. Les gens lui font confiance, même s'ils savent peu sur lui. Cela a l'air de n'avoir ni queue, ni tête.



*

Pierre et Paul sont morts à Rome. Que serait Rome sans eux ? Ils projettent leur pouvoir au coeur des lieux qui sont durablement chrétiens. Mais contrairement à eux, Saint Jude n'est pas un saint routinier, et ses interventions non plus ne se passent pas de la façon prévue, ou dans les endroits auxquels on s'y attend. Hautement individuel, du style à fonctionner en dehors du cadre institutionnel, ses actions ne peuvent même pas être prouvées. Comme pour passer un relais, il n'est là que pendant quelques centièmes de seconde, le temps qu'il faut pour se rendre compte que c'est Jude qui a agi.

Sa toile se tisse tout autour de lui, il nous entoure sans qu'on puisse lui échapper  amicale, il suffit qu'on en touche un seul fil pour qu'elle vibre toute entière. Jude est totalement le saint de ces moments et de ces endroits sans lumière  une géographie cohérente, ni à une histoire invariable, ou à une mode culturelle. Lui, c'est tous ces gens qui ont perdu leur identité comme membres de l'armée, des familles ou des églises, ou seulement tous ces gens éreintés qui traînent les pieds dans toutes les rues. Ils sont mis à nu, et leur foi dans Saint Jude est presque tangible - elle flotte dans les airs - même dans l'ensemble de son terrain de mission, à présent abandonné à l'Islam.


En agissant avec modestie et discrétion, derrière le voile, il s'est assuré que personne ne pourra probablement plus jamais le lier à un endroit historique irrécusable. L'épingler quelque part, c'est détruire toute sa mission. Le détail révélateur est qu'il a toujours un mètre d'avance sur vous, planqué derrière un pilier plus loin que vous dans la colonnade. Il a appris cette technique aux pieds du Maître, quand il lui a demandé pourquoi il s'est manifesté à seulement quelques supporters, mais pas au monde entier. C'est à ce moment-là que sa mission secrète de 2.000 ans a pris corps. Il a suivi le conseil, et pas seulement sur le moment, mais pour l'éternité.


Ce que Jude habite, c'est le contraire du permanent : il y a un

« moment de Jude 
» mais pas toute une vie de Jude - le genre de résumé qu'on pourrait attribuer à des centaines de saints, par exemple
« toute une vie franciscaine 
». Il n'est pas donné en exemple, parce qu'on ne sait pas à quoi il ressemble. Il s'incarne exclusivement dans l'action. En connaissant si peu de lui, on ne peut pas le considérer comme le
« modèle 
» que l'on recherche avec tant d'obsession dans notre époque du progrès personnel. Tout ce qu'on peut lui demander, c'est de mettre en place une action. En tant qu'opérateur ultime, il se précipite pour remplir le vide créé par l'érosion de la foi  cause de l'augmentation de l'érosion de cette foi que l'on peut trouver le rejet des valeurs et des idéaux anciens des années 1960, alors peut-être le contre-coup, le ressac vers la foi et la nouvelle insistance sur Saint Jude s'expliquent mieux.

La génération du Viêt-nam affichait un profond mépris envers tout credo ou tout symbole de l'autorité, peut-être plus explicitement de la compagne indispensable à l'autorité humaine, c'est-à-dire la confiance, ce qui ne laissait pratiquement pas de place pour l'expression religieuse personnelle. Quand tombent les idoles, les champions font de même, et à leur place résonnent les lieux communs des adeptes du New-Age, comme des échos assourdis dans une pièce vide. Peut-être que le temps du héros revient-il ?

« Sans l'espoir, le coeur se briserait 
» dit Thomas Fuller - une explication simple de l'universalité de Saint Jude, de la fascination qu'il exerce sur les croyants comme les athées. Quand tout le reste échoue, quand notre grosse planète vigoureuse se fissure sous nos pas, alors d'une certaine façon, nous trouvons Saint Jude à nos côtés. Il est là, silencieux, mais jamais sourd ou hors d'atteinte  il ne réclame pas d'approbation ecclésiastique, ni de renoncer à une loyauté ou à une croyance antérieures. Il n'y a rien pour entraver notre liberté. Pourquoi ne pas tenter notre chance ? Comme l'ont fait tant de gens de confessions différentes avec des résultats étonnants.

Voici ce qu'en pense un catholique égaré, qui ne prévoit pas de retourner dans le sein de l'Eglise :

« Je me rends compte que Jude peut se greffer sur n'importe quel système de croyance. Le Jude que je connais est une présence passablement floue, qui est universelle. Il y a une élégante simplicité dans la façon de l'approcher. Elle commence comme une simple prière
 
».


Pour beaucoup de gens à travers le monde, Jude est plus un ami qu'un apôtre du Nouveau Testament, plus un allié qu'un symbole religieux, plus une arme secrète qu'un saint, un guerrier fantôme dans la bataille pour la foi et contre l'ennemi particulier de la foi, la désespérance. Peut-être est-ce pour cela que le zèle apostolique de Saint Jude se ressent encore, 2.000 ans après sa mention dans les Ecritures. La dévotion à la puissance personnifiée par Jude, réunit les mains tendues à travers toutes les époques, toutes les confessions, toutes les couches sociales - y compris chez les millionnaires où l'argent et la gloire ne vous garantissent pas contre le désespoir.

En réalité, c'est dans les années 1950 que Saint Jude a connu son essor le plus important aux Etats-Unis quand le comédien Danny Thomas a fait publiquement état de sa dévotion à Jude. L'histoire bien connue dit que Danny Thomas a commencé à jouer dans des troupes de seconde zone pour des représentations uniques  pour qu'on lui donne la chance de sa vie. Il l'a obtenue. Et en remerciement il a fait bâtir l'Hôpital Saint Jude pour enfants, à Memphis, dans le Tennessee.


Un rapport trimestriel des profits dans les pages financières du New York Times peut sembler tout à fait banal, sauf quand on y voit le bilan financier du Saint Jude Medical. Voici deux ans, Manny Villafranca, président de la compagnie Hallifax BioCore, une société de technologie médicale basée à Saint-Paul, a été élu

« Entrepreneur de l'Année 
». A la force du poignet, il s'est sorti de la pauvreté des quartiers miséreux latino où sa mère, veuve, trimait dans un atelier clandestin pour se hisser tout en haut de l'échelle sociale ( selon le schéma classique du succès à l'américaine ). Ce qui est moins classique, c'est que Manny ne l'attribue pas entièrement à un travail acharné.

En 1971, il se prépare à créer sa société pour fabriquer des pacemakers à longue durée de fonctionnement. Le chapeau à la main, il recherchait des financements.

« On me prenait pour un fou. Personne ne voulait m'écouter
 
» se souvient-il. A 31 ans, Manny était au chômage, avec de grosses dettes, une maison sur-hypothéquée, et un fils à l'hôpital. Désespéré, il se rendit à l'église Saint-Jean de New Brighton, dans le Minnesota. Son regard tomba sur une image pieuse de Saint Jude, posée sur le banc devant lui.
« Elle disait deux choses
 
» se rappelle-t-il,
« premièrement, qu'on avait oublié Saint Jude à cause de la ressemblance de son nom avec celui de Judas Iscariote, et deuxièmement qu'on devait promettre de marquer sa reconnaissance à Saint Jude en faisant connaître son nom
 
». Manny s'attaqua à la neuvaine, neuf jours de prière de suite avec une messe quotidienne et la communion  l'espace de quelques semaines, il trouva un investisseur.
« C'est comme ça que j'ai commencé, en quelques semaines
 
» dit-il.
« Mais j'ai continué mes prières à Saint Jude. Ma femme était enceinte à ce moment-là, alors, j'ai décidé d'appeler mon fils Jude
 
».

Le petit Jude Villafranca est venu au monde avec un terrible problème personnel :

« Jude avait des difficultés de santé et il lui fallait des opérations. Je l'ai baptisé moi-même avant qu'il n'ait un mois, dans la salle de bain, avant de l'emmener en voiture à l'hôpital 
». Au bout de huit opérations et les prières incessantes de Manny, le petit garçon finit par s'en sortir. En 1976, il a lancé une autre affaire - une usine de valves cardiaques - et l'a baptisé du nom de son saint assistant : Saint Jude Medical Inc. Une société de noble utilité publique qui a bientôt gagné 250 millions de dollars. L'homme d'affaires est resté en contact avec le chirurgien de la clinique Mayo qui avait sauvé son fils. Un beau jour, les Villafranca ont été invités à l'anniversaire du docteur, le 28 octobre, le jour où l'on célèbre Saint Jude.
« J'ai toujours une image pieuse de lui dans ma poche 
» dit Manny.


En 1964, le joueur de golf Bobby Nichols a gagné le PGA en trois coups étourdissants contre Jack Nicklaus et Arnold Palmer. Il a offert ses gains, 3.500 dollars, pour construire un sanctuaire à Saint Jude à Louisville :

« Je pensais que c'était un tournoi impossible à gagner. Je ne suis pas superstitieux. Il y a une différence entre être superstitieux et avoir la foi. J'ai beaucoup de foi
 
». Est-ce la résurgence de la foi, ou alors, une tentative authentique de réaffirmer la foi en Amérique ? Peut-être cela présage-t-il un renouveau, pas de la foi religieuse toute seule, mais une adhésion aux véritables idéaux de ce pays qui, en droite ligne depuis le Serment de Fidélité, sont enracinés dans la reconnaissance d'un pouvoir supérieur. Pour beaucoup alors, la prééminence du droit chrétien ne manifeste pas seulement une soif de pouvoir politique, mais un symptôme supplémentaire du frémissement spirituel qui parcourt tout le pays.


Dans la légende, Pandore ouvre la précieuse boîte en dépit des funestes avertissements de ne pas le faire, et tous les maux du monde s'en échappent pour accabler à jamais l'humanité. Il ne reste qu'une consolation : l'espérance. En fait, le sentiment de l'espérance était si fort aux époques grecque et romaine que les déesses qui la personnifiaient inspiraient un profond respect. A un certain niveau, Saint Jude est un objet de culte, une présence sacrée qui s'inspire de certaines intuitions pré-chrétiennes symbolisées par des dieux secourables : une lumière errante de l'âme qui fait signe à une foule hétéroclite de gens croyant à quelque chose d'imprécis, et qui sont cependant réunis par le facteur commun

« Saint Jude 
». Il est aussi un exemple saisissant d'intervention surnaturelle. Au bout du rouleau, c'est là que Saint Jude intervient. Et bien que ça ne concerne peut-être pas ceux qui invoquent ce spécialiste des situations désespérées, il existe un ancien adage qui dit
« C'est quand l'homme est réduit à la dernière extrémité que Dieu a une chance 
».

Au fil des années, des millions de gens ordinaires ont sereinement témoigné d'une chose dont ils sont sereinement convaincus, les intercessions de Saint Jude. Et on ne peut que s'émerveiller de la simplicité et de la ferveur de leurs prières chuchotées, et de leur gratitude enthousiaste.


*

Assise au bord de sa piscine en Floride, Genee Bell a remarqué que le fils de son voisin, âgé de 9 ans, avait une terrible cicatrice le long de sa jambe :

« On aurait dit une fermeture à glissière 
» me dit-elle au téléphone. En questionnant la maman du garçon, madame Bell a appris que, bébé, il avait eu un cancer des os. Une greffe provenant de l'os de son bras et appliquée sur sa jambe s'était détériorée. Les chirurgiens avaient procédé à une nouvelle greffe, cette fois-ci à partir d'un os de son père. A nouveau, l'opération avait échoué. Désespérée, la maman avait finalement consulté un guérisseur qui croyait à Saint Jude, et qui avait imposé ses mains sur l'incision pendant qu'ils priaient. Et le mal avait disparu :
« Je n'ai pas été vraiment surprise
 
» explique madame Bell.
« Je sens que ça marche. En remontant jusqu'à ma grand-mère, je me souviens qu'à chaque problème - j'ai eu 7 enfants - nous priions Saint Jude 
».


L'effet Saint Jude est inéluctablement une question de miracle. En effet, la question qu'il faut se poser, c'est :

« Est-ce que ça marche ? Est-ce que c'est loyal ?
 
» Selon le prêtre de la paroisse d'un ghetto :
« C'est certainement loyal en ce qui concerne Dieu
 
». Et même dans les cas où cela n'a pas marché, on trouve d'innombrables partisans de Jude de toutes confessions, qui attestent des changements dans leur vie, malgré le résultat négatif de leur prière. Un homme qui a écrit à un magazine recueillant des lettres et des réflexions concernant Jude, a remarqué :
« D'une certaine façon, Jude semble m'ouvrir la voie soit en m'envoyant quelqu'un, ou en entendant parler de quelqu'un qui m'aide à trouver les réponses
 
».


L'avis contraire dans ce débat, c'est la certitude que tout ce baratin d'intervention divine n'est rien d'autre qu'une manipulation de la part du clergé. Observons l'argument du Grand Inquisiteur, la voix de la religion organisée comme source d'orgueil et de pouvoir, dans les Frères Karamazov de Dostoïevski. Affrontant le Christ sur la terre, il le couvre de sarcasmes à propos de la tentation qu'Il a subie sur le pinacle du Temple de Jérusalem, quand Jésus refuse de se jeter en bas pour prouver qu'il est bien le Fils de Dieu, même s'il était écrit que les anges le soutiendraient :

« Tu espérais que l'homme, en te suivant, s'attacherait à Dieu, et ne demanderait pas de miracles. Mais tu ignorais que lorsque l'homme rejette les miracles, il rejette également Dieu - car l'homme ne recherche pas tant Dieu que le miraculeux. Et puisque l'homme ne supporte pas de se passer de miraculeux, il va créer de nouveaux miracles de lui-même, pour lui-même, et il adorera des oeuvres de sorcellerie ou de magie même s'il est des centaines de fois rebelle, hérétique, et infidèle. Et toi, tu n'as pas voulu asservir l'homme par un miracle, et tu aspirais à une foi librement consentie, et pas basée sur les miracles
 
».


Par prudence, l'Eglise ne se hasarde pas de nos jours à employer le terme

« miracle 
», sauf dans les circonstances les plus rigoureusement contrôlées  et même dans ce cas, elle ne s'aventure guère plus loin qu'à dire que « pour ces personnes-là
 », ce qu'elles voient est miraculeux. C'est cela la véritable action de l'attrait de Jude : le coeur trouve ses raisons indépendamment de la doctrine. Mais même sans cet aval, un des jeunes employés du sanctuaire de Baltimore remarque, avec une simplicité désarmante :
« On a l'impression que pour certaines personnes, eh bien, on peut conclure qu'elles ont bénéficié d'une pure coïncidence. Mais pour d'autres, c'est impossible, parce qu'on y voit la main de Dieu
 
».


Bien des gens voient la main de Dieu - un miracle - dans des événements qui semblent tenir du miraculeux, ou du moins s'en approcher. Quand quelqu'un a décidé de croire, il n'existe que peu de contradictions intérieures. Réciproquement, des milliers de gens qui voient un événement potentiellement miraculeux se dérouler sous leurs yeux sont susceptibles de réserver leur jugement, et d'exiger des preuves scientifiques que les lois ordinaires ont bien réellement été suspendues  victimes de quelque prestidigitateur et de ses tours de passe-passe. Rome elle-même a par nécessité élevé le travail de l'Avocat du Diable au rang de véritable science. Cette question ne trouble nullement les partisans de Jude, qui savent intuitivement qu'aucun des grands miracles officiels n'est associé à Jude, mais seulement des millions de petits miracles non officiels.

C'est pourquoi l'histoire de Jude, de nos jours, est un véritable voyage au coeur stratégique de l'Occident : lieutenant de la Mafia, procureur juif, fabricant de coeurs artificiels, joueur de golf célèbre, producteur de Hollywood, gentille maman de sept enfants, père en détresse, acteur célèbre, ancien gouverneur, Greta Garbo : tous ont cherché Jude. Anthologie d'événements étranges, mosaïque de croyances simples à son point extrême dans un monde qui se veut moderne. A une plus grande échelle, l'histoire de Jude est comme le dossier médical de la foi, de l'espérance, et du désespoir incarné par d'innombrables tragédies. Encore une fois, des gens dissemblables qui se rejoignent - si seulement ils en étaient conscients ! - dans la quête de quelque chose au-delà de ce qu'ils ont connu, quelque chose capable d'assouvir la faim de l'esprit. Et c'est le territoire vierge de Jude, depuis toujours dans l'Eglise, même s'il semble moderne aux gens, qui est l'un des lieux auxquels ils aspirent.


En porte-à-faux au bord d'un siècle nouveau, les désespérés lèvent les yeux au loin, et ne voient qu'un tunnel interminable. L'espérance, elle, dans toutes ses manifestations, sacrées et profanes, voit la renaissance, le renouveau, peut-être même un miracle. L'alternance de progrès et de désillusion est éternelle. Tant qu'il y aura de nouveaux visages du malheur, comme la récession économique, un taux de divorce qui grimpe en flèche, le SIDA, le chômage de millions de gens qui s'étaient crus en sécurité pour le restant de leurs jours, la famine, la vieillesse et la solitude, des légions de désespérés rechercheront Saint Jude. Est-ce qu'il trouvent des miracles, la paix de l'esprit, ou

« juste 
» une coïncidence ? Croient-ils retrouver quelque chose qu'ils ont perdu, ou qu'ils ont été amenés à attendre, quelque chose que le pays a perdu ? Peut-être que cette enquête de journaliste, ce pèlerinage - même s'il ne parvient pas à se saisir de Saint Jude, personnage doux mais résolument mystérieux - parviendra toutefois à se saisir de son reflet dans les coeurs de ceux que le chagrin a poussé en sa présence.


*

Il pleut sans cesse. Le bus poursuit sa route le long des rues bien nettes du centre de Baltimore. Après leur petit somme, les hommes se redressent sur leur siège, baillent et se frottent les yeux. Les femmes, qui se sont raconté leurs histoires de miracles à voix basse, se mobilisent, les yeux brillants, comme des gamines à un bal de campagne. Elles parlent de

« se servir de Jude 
» comme si c'était un médium ou un talisman. Nina raconte son histoire de ténèbres et de superstition. Une femme, pensionnaire chez elle, s'était suicidée. Elle avait une statue de Saint Jude dans sa chambre et Nina commença à avoir de terribles rêves de la morte ainsi que de la statue :
« Je ne voulais plus de cette statue chez moi. Je ne voulais rien avoir à faire avec Jude 
». Un beau jour en visite chez sa cousine Jerry, elle vit une statue grandeur nature de Jude dans la salle de séjour des Pullara, et Jerry commença à lui en parler. Nina écouta, fascinée. Puis, en 1990, elle éprouva subitement des difficultés à respirer. Le docteur diagnostiqua une très grosse tumeur à la thyroïde, en fait un cancer :
« J'avais des gosses, et je ne voulais pas qu'ils me voient pleurer. J'ai fait des tas d'examens, des rayons, et j'ai découvert que j'étais enceinte. J'avais tellement peur qu'il n'arrive quelque chose au bébé que j'ai prié Saint Jude. J'ai eu une petite fille et je l'ai appelée Judith. Elle est née le 3 mars. Le même jour, 13 ans après que la fille qui vivait chez moi se soit tiré une balle dans la tête, j'ai amené mon bébé au sanctuaire pour remercier. Elle était nu-pieds, ce qui est un signe de sacrifice. Vous savez, j'ai même mis mon bracelet avec un porte-bonheur Saint Jude pendant l'opération 
». Nina regarde par la fenêtre. Son visage est plus paisible, maintenant que le bus s'approche de sa solennelle destination.
« Aujourd'hui, je vais prier pour ma famille, mes enfants. Je lui dis tout ce qu'il me faut 
».

De l'autre côté de l'allée, Francesca, une maman sicilienne, se prépare elle aussi à débarquer à la chapelle de Saint Jude qui se situe dans l'église Saint-Jean-Baptiste au coin des rues Paca et Saratoga du centre de Baltimore. Elle se rappelle tous les détails de cette journée où sa fille a été mordue par le chien de la famille, un chow-chow :

« Elle avait le visage horriblement défiguré. La lèvre inférieure et la mâchoire pendaient après l'attaque. Nous avons prié Saint Jude pour que le nerf ne soit pas abîmé. Très vite, pendant sa cicatrisation, les docteurs ont dit que le nerf se remettait et que la chirurgie plastique serait possible pour une guérison presque complète
 
». Elle sourit en descendant du bus, se hâtant sous la pluie vers les marches de l'église romane.


La plupart des gens qui viennent ici sont anonymes pour les prêtres. Cette fois, quelques-uns se présentent et se regroupent pour la cérémonie. D'abord, les prières de la neuvaine, puis la messe et une homélie au cours de laquelle le directeur de la chapelle, le père Amalio Greco, admet qu'on ne sait pas grand chose sur Saint Jude, et prudemment, n'en dit guère plus, hormis qu'il avait donné sa vie à sa croyance. Les prières au style littéraire d'un coeur sincère sont en accord avec l'intensité des dévotions de l'Eglise d'après Vatican II, et suivent pratiquement mot à mot les dévotions à Saint Jude que l'on trouve partout ailleurs.

« Une neuvaine n'implique pas réellement de la superstition, mais démontre une lacune réelle au niveau du service, de la vie de prière et de la liturgie
 
» explique un prêtre de l'archidiocèse de Baltimore, et membre de la commission liturgique de 1971, à présent dissoute.
« Pour les générations à venir, la dévotion des neuvaines ne fait pas partie de leur expérience
 
».

C'est peut-être pourquoi la commission a mis la clef sous la porte.

La plupart des nouveaux spécialistes de la liturgie ne comprennent pas, ou n'aiment pas les dévotions comme la neuvaine à Saint Jude. Presque par obligation, ils désapprouvent la compétition avec les saints, surtout avec des grosses vedettes comme Saint Jude. Et de toute évidence, les foules débordantes des sanctuaires et des églises dédiés à Saint Jude apportent de toutes parts le témoignage banal, et pourtant irrésistible, que c'est un faux calcul.


Tandis que le parfum de l'encens flotte dans les airs, Nina et Francesca rejoignent la file de pèlerins qui prient à voix basse et avancent centimètre par centimètre pour baiser la relique de Jude. Puis le café et les beignets avant de visiter la boutique du sanctuaire. Ensuite, la petite troupe remonte dans le bus : c'est l'heure de s'arrêter au bord de l'eau pour déjeuner, puis de retourner à la maison. Il n'y a rien de compliqué, pas de lumières multicolores, pas de musique émouvante, seulement la routine bien rodée de ceux qui cherchent Jude.

Chaque année, une centaine de bus arrive pour accomplir ce simple rite de passage, mais hautement significatif au moment des trois neuvaines solennelles  elles, se déroulent chaque mercredi et dimanche. La niche qui tient lieu de chapelle à Saint Jude depuis 1941 a été refaite l'an passé avec une surface trois fois plus grande, obligeant de transformer en même temps l'ancien bâtiment de l'école en centre d'accueil des visiteurs.

L'expansion de la boutique bien achalandée, où les gens peuvent se fournir en souvenirs tangibles - médailles, cartes postales pieuses, porte-clefs, cierges, scapulaires, chapelets, images, petits livres - de leur saint préféré est la seule preuve que Jude, provenant de temps anciens, est toujours florissant à cette époque moderne. Le nombre de cierges qui entourent sa statue de marbre turquoise, est passé de 770 à 1.300 bougies-ampoules électriques, concession à une ère qui a troqué la lueur tremblotante dans les gobelets en verrerie contre un éclat plus stable et officiel. Sa présence lumineuse dans l'aile droite de l'église fait de cet autel latéral le principal point de mire. La petite statue en or du Christ qu'il tient est une variante de l'image traditionnelle du Christ, le Mandylion que Saint Jude porte généralement sur la poitrine. Les foules assagies et calmées semblent reprendre des forces à son contact, en voyant au-delà du marbre quelqu'un qui attend leur requête impossible. Beaucoup laissent des fleurs, tous allument des cierges, SUITE DANS LE LIVRE...





1 Etat de New York.

2 2 Cor. 11:25-27.

3Chose que l'on porte habituellement sur soi.

9




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