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ENCYCLOPEDIE DES PHENOMENES PHYSIQUES DU MYSTICISME par Joachim Bouflet




Tous les chapitres disponibles par Tome (clicquer la couverture)

vers le tome 1 vers le tome 2


Tables des Matières du Tome I


Avant-propos 13
Remerciements 17

Chapitre 1 - La lévitation 19
Maman, une femme qui vole ! 20
Tradition hagiographique et signification spirituelle 22
Saint Joseph de Copertino 24
Quelques cas remarquables du XIXe siècle 25
Ana de Jesús Magalhaës 28
Francisca Ana Cirer Carbonell 30
D'autres femmes volantes au XIXe siècle 32
Quelques cas de lévitation au XXe siècle 34
Des lévitations diaboliques ? 42
Des lévitations sans connotation mystique 46
Prodiges de célérité et marches extatiques 48
A la recherche d'une explication 52
La lévitation, signe de sainteté ? 63
Annexe : lévitations aux XIXe et XXe siècles 67


Chapitre 2 - Les phénomènes lumineux 71
I. Des cornes de Moïse à l'auréole des saints 74
Le reflet de la gloire de Dieu 78
Fioretti d'hier et d'aujourd'hui 80
Etoiles, boules de feu et étincelles 83
Et à l'heure de notre mort 84
A la recherche d'une explication 87
II. La lumière visible, signe de l'invisible 90
Des lumières par-delà la mort 90
Une lumière de vie 93
La lumière des images vivantes 95


Chapitre 3 - Incendium amoris 101
Un amour séraphique 102
Palma et Rosa 106
Brûlures mystiques 109
Gemma et sa soeur d'âme 111
Vive flamme d'amour 115
Flamme apostolique 121
Annexe : stigmatisation et transverbération 125


Chapitre 4 - L'odeur de sainteté 127
La bonne odeur du Christ pour Dieu 130
Trois Françaises 141
Une télékinésie moléculaire ? 143
Objets parfumés 145
Marie Mesmin, concierge à Bordeaux 146
Effluves célestes et odeur fétide 149
Le signe d'une présence surnaturelle 151
Fragrances mtahomaes 155
Singeries 158
Natuzza Evolo 161


Chapitre 5 - L'émission de substances hétérogènes 169
I. Le corps humain, instrument de dons divins ? 170
Huiles et baumes 171
Les roses de la charité 180
Le cas le plus extraordinaire 182
Fleurs de la fiancée ou parure de la victime  186
II. Les images qui pleurent et qui saignent 189
Sept miracles récents 189
Miracles nombreux et anciens 200
Quelques faits au regard de la critique 211
Statues miraculeuses, stigmates et apparitions 232
Annexe I : phénomènes sur des images saintes 254
Annexe II : du mauvais usage des prodiges 288


Chapitre 6 - Phénomènes accompagnant la mort 327
La mort d'une candidate à la sainteté 328
I. Signes de vie après la vie 335
La chaleur et les couleurs de la vie 335
Mouvements insolites 338
Du sang, de la sueur et des larmes 342
II. Fragrances de l'au-delà 346
Narcisa de Jesús 348
Longtemps après la mort 349
Révélation de la sainteté du sujet ? 352
Le cas de soeur Marie-Céline 356
III. L'absence de rigor mortis 358

Chapitre 7 - L'incorruption du corps 365
Le cas de Léonie Van den Dyck 367
I. Pas de miracles pour les saints 369
La pseudo-incorruption d'un corps saint 369
Momies saintes ? 371
Le cardinal et le pape 373
II. Incorruptions miraculeuses ? 375
Quatre saints français 376
Miracles en Italie 378
Des faits bien suivis 380
Mort, où est ta victoire ? 382
III. Du surnaturel au miracle 385
Transfigurations post mortem 386
Prévenir l'attente de l'Eglise 390
Inversion du processus nécrotique ? 391

Annexe : Corps saints au fil des siècles 395




Avant-Propos




Quelques jours après la parution de ce livre, dans sa première édition, l'académicien Jean Guiton m'invita à venir en parler avec lui. Il me mit en garde contre le danger qu'il y a à aborder le domaine délicat des phénomènes mystiques extraordinaires, et surtout à les vulgariser : et il n'était guère convenable d'aborder cette question face à laquelle l'Eglise elle-même se trouve mal à l'aise, oscillant en permanence entre une attitude de rejet de la part de certains clercs, et une crédulité déraisonnable chez d'autres. A ses yeux, seule la réflexion philosophique était en mesure d'ébaucher quelque piste de lecture de ces manifestations insolites.

Hormis le caractère a priori déconcertant de certains phénomènes, l'approche et l'étude de ceux-ci ne devraient pourtant poser aucun problème à l'Eglise : sa foi ne se fonde-t-elle pas sur le fait le plus inouï et le plus extraordinaire qui soit, la Résurrection du Christ ? Elle sait que rien n'est impossible à Dieu, et que ses voies ne sont pas les nôtres. Elle est riche d'une tradition spirituelle et mystique illustrée par des saints à prodiges dont elle a fait de certains des Docteurs : leur expérience a permis l'élaboration de critères de discernement, qui visent non pas à établir la réalité des faits allégués - c'est le travail de l'historien et de l'homme de science -, mais à en comprendre la signification. En effet, tout phénomène extraordinaire survenant dans l'Eglise - dans la personne d'un de ses membres ou au sein d'une de ses communautés - n'a de sens que s'il est signe de la présence agissante de Dieu au milieu de son peuple.

En effet, quand bien même est établie la réalité objective de tels prodiges, ils restent toujours secondaires par rapport au vécu de foi, d'espérance et de charité des personnes qui les expérimentent, et dont on dit avec une inconséquence bien légère qu'elles en sont « favorisées ». Il est, dans la terminologie des livres pieux, certains mots et expressions qu'il conviendrait de bannir : âmes privilégiées, saints favorisés de stigmates, et même âme-victime. La seule faveur que connaissent les fidèles vivant de telles expériences et leurs effets extraordinaires, est d'accomplir toujours mieux la volonté du Père qui est dans les cieux, « d'écouter la parole de Dieu et de la mettre en pratique » (Lc 11, 28)  un - consiste à faire en sorte, à l'exemple de Jean-Baptiste, que Jésus croisse en eux - et, grâce à leur témoignage, dans le coeur de leurs frères -, et qu'eux-mêmes diminuent (cf. Jn 3, 30). L'humilité est la pierre de touche de toute expérience intérieure et, pour le catholique, elle se développe et s'épanouit dans l'obéissance filiale aux légitimes représentants de Dieu en son Eglise. La vie mystique, qui est vie d'amour, se déroule suivant une voie unique : l'imitation du Christ, dans le don total de soi, c'est-à-dire bien souvent dans la lutte contre les exigences et les revendications du « moi », dans la pauvreté intérieure, dans une dépossession de soi qui laisse le champ libre à l'action de la grâce, à la saisie de l'âme par Dieu.

Les faits extraordinaires jalonnent l'histoire de l'Eglise depuis ses origines. Ils existent toujours, ainsi que l'on peut s'en convaincre lorsque l'on étudie l'hagiographie contemporaine : les récents exemples d'un bienheureux Padre Pio (1887-1968), d'une Marthe Robin (1902-1981), en sont l'illustration. Par ailleurs, les médias se font parfois l'écho d'événements sensationnels de caractère religieux, qualifiées hâtivement de phénomènes surnaturels, voire de miracles : il n'est que de voir les articles de presse et les émissions télévisées consacrés à telle apparition alléguée de la Vierge Marie, à telle guérison opérée à Lourdes. Récemment, le bruit ayant entouré la publication du fameux troisième secret de Fàtima ou la découverte, lors de son exhumation, du corps resté intact du pape Jean XXIII, démontre - s'il en est besoin - que le surnaturel fait encore recette.

Or, l'examen critique de manifestations présentées comme des faits miraculeux, révèle combien sont fragiles et fluctuantes les frontières qui séparent l'authentique expérience mystique et les prodiges l'accompagnant, de toutes sortes de dérives et de contrefaçons favorisées par un engouement excessif pour le merveilleux et par la résurgence de déviations du sentiment religieux : il suffit d'évoquer le cas de mariophanies aussi contestées que celles de Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, de témoignages aussi troublants que celui de Vassula Ryden. La question qui se pose à l'Eglise dans ces cas précis, comme en face de tout phénomène extraordinaire, n'est pas seulement celle de la gestion des événements, mais une question de discernement. Son action ne saurait être réduite à une simple prise en charge pastorale des pèlerins qui affluent sur les lieux d'apparitions présumées, devant des statues qui pleurent ou qui saignent, ou sur la tombe de personnes mortes en odeur de sainteté : mère et éducatrice, l'Eglise se doit d'informer et de former les fidèles dans la vérité, et le souci de canaliser un élan de dévotion populaire motivé par des faits extraordinaires implique comme préalable que ces derniers ne soient pas controuvés, qu'ils ne soient pas le fruit de l'illusion ou d'une supercherie, si « pieuse » soit-elle. Tel est le sens des instructions données par la Congrégation pour la Doctrine de la foi en matière de révélations privées et autres manifestations extraordinaires, dans ses Normes relatives au discernement des esprits (27 février 1978).

Alors, pourquoi des problème surgissent-ils presque systématiquement lorsqu'un nouveau faits d'apparition est signalé, lorsqu'un événement d'apparence miraculeuse est porté à la connaissance du public ? Assurément parce que, le plus souvent, on inverse la démarche d'approche du phénomène, en privilégiant la gestion au détriment du discernement : c'est le fameux argument tant de fois rebattu des fruits auxquels on juge l'arbre. Mais aussi parce que certains théologiens tiennent pour quantité négligeable les manifestations extraordinaires dans la vie mystique, tandis que d'autres leur accordent une importance exagérée. Parce qu'on les considère, dans un sens ou dans l'autre, comme des faits anormaux dans la vie de l'Eglise. Une lecture neuve de ces phénomènes, qui les tiendrait pour ce qu'ils sont réellement - des faits normaux, quand bien même exceptionnels et toujours relatifs à la vie théologale - permettrait sans aucun doute de les considérer avec sérénité, au-delà des clivages, des tensions et des passions.

La deuxième édition de cet ouvrage - complété et mis à jour - est le fruit de rencontres providentielles similaires à celles évoquées dans l'avant-propos de la première édition. Mon éditeur a su me convaincre de reprendre le travail, rejoignant le voeu formulé par un courrier abondant de voir une réédition du livre, depuis quelques années épuisé. D'autres se rapprochent de mes premiers pas dans l'étude de la phénoménologie mystique : après avoir étudié autrefois la vie et l'influence de la célèbre stigmatisée et visionnaire allemande Anne-Catherine Emmerick (1774-1824), aujourd'hui Vénérable, j'ai été amené par mon travail de consultant auprès de postulateurs1 de causes de béatification à connaître d'autres cas de mystiques à phénomènes.


L'objet de cet ouvrage est l'étude des phénomènes extraordinaires dans la vie mystique : leur nature et leurs effets, certes, mais surtout leur place, leur insertion dans le cheminement intérieur des personnes qui les expérimentent. En effet, pour devenir signe, tout prodige doit correspondre à une réalité d'ordre supérieur qui non seulement en est la cause ou l'occasion, mais qu'il traduise, qu'il manifeste et à laquelle il réfère. Telle est la fonction de ces réalités insolites : ramener celui qui en est l'objet et ceux qui en sont les témoins à l'essentiel, à la source, c'est-à-dire à l'action de Dieu dans l'âme. Ce premier tome présente ce que je nomme phénomènes objectifs : ceux dans la production desquels la volonté du sujet n'intervient pratiquement pas. Le deuxième tome abordera les manifestations plus directement liées à l'activité psychologique de la personne humaine, et par là plus perceptibles à qui y est sujet (inédie, bilocation, télékinésie, etc.). Toute tentative de classification, en ce domaine, est délicate et somme toute peu satisfaisante : si la mienne paraît quelque peu arbitraire, elle présente l'avantage de permettre une étude méthodique et de proposer des voies d'approche relativement cohérentes.


Remerciements



Je voudrais exprimer mes remerciements aux personnes qui m'ont permis de mener à terme la deuxième édition de cet ouvrage. Il y eut, à l'origine, l'influence déterminante de Padre Pio, aujourd'hui bienheureux, que j'ai eu la grâce de rencontrer à San Giovanni Rotondo le 23 août 1968. Puis certains pères de l'Ordre des Carmes déchaux ont eu la bonté de m'initier à l'étude de l'oeuvre de sainte Thérèse d'Avila et de saint Jean de la Croix, et à leur spiritualité : je garde un souvenir ému et plein de gratitude des pères Victor de la Vierge (Sion) et Joseph de Sainte-Marie (Salleron), à présent décédés.

Je dois également à l'amitié du père Jacques Cachard, des Chanoines Réguliers de Saint-Augustin de la Congrégation de Windesheim, d'avoir approfondi la spiritualité carmélitaine dont il avait une remarquable connaissance « de l'intérieur ». Lui aussi s'en est retourné, prématurément, à la Maison du Père. Aux pères Heinrich Schleiner, vice-postulateur de la cause de béatification d'Anne-Catherine Emmerick, et Joseph Adam, rapporteur de cette même cause, ainsi qu'à Madame le professeur Grete Schött, membre de la commission épiscopale Anna Katharina Emmerick de Münster (Allemagne), vont également ma reconnaissance et mon souvenir : ils ont, à partir de la phénoménologie de la grande mystique allemande, élargi le champ de mes connaissances.

A la Congrégation pour les Causes des Saints, divers postulateurs de causes de béatification et canonisation n'ont ménagé ni leur temps ni leurs compétences pour me faciliter la tâche, m'ouvrant leurs archives et mettant à ma disposition des documents de première importance : qu'ils en soient ici chaleureusement remerciés.

Il me faudrait citer encore les prêtres qui me font l'honneur de leur amitié et qui ont bien voulu partager avec moi leur expérience pour guider mes recherches. Le respect de leur vie retirée m'oblige à ne les point nommer, mais ils savent combien leur aide et leurs conseils m'ont été précieux.

Les encouragements de plusieurs laïcs, et l'intérêt qu'ils ont porté à ces recherches, m'ont puissamment stimulé. Ma gratitude va aux docteurs Hubert Larcher, qui fut directeur de l'Institut Métapsychique International, et Philippe Wallon, ainsi qu'aux défunts docteurs Alain Assailly et André Cuvelier  fondateurs de l'association A Rebours et de sa précieuse revue  l'ouvrage Des prodiges et des hommes  de Saint-André et à Christiane Rancé, ainsi qu'à Dominique de Courcelles  Jehl et à Madeleine Rous  Pascal Etcheverry, à Thierry Lopez et son épouse, à Eric Emo, à Mark Waterinckx, et à ceux dont l'amitié fidèle et discrète m'a constamment accompagné dans les étapes de ce travail.

A tous, je dédie ces pages, dans lesquelles ils retrouveront l'écho de nos échanges souvent passionnés, parfois contradictoires, mais toujours constructifs.








C h a p i t r e 1


La lévitation





Et à ces mots, sous leurs regards, il fut élevé et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient les yeux fixés vers le ciel tandis qu'il s'en allait, voici que deux hommes se présentèrent à eux en habits blancs, et ils dirent : « Galiléens, pourquoi vous tenez-vous là, regardant vers le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé d'auprès de vous vers le ciel, viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel » (Ac 1, 9-11).





Dans son livre désormais classique, le père Herbert Thurston dit de la lévitation qu'elle est « un miracle physique fréquent dans les hagiographies, sujet qui se prête particulièrement à l'étude » 2. Si le récit des Actes des Apôtres illustre d'une certaine façon ce prodige, l'ascension corporelle du Christ ressuscité transcende le fait miraculeux lui-même, et la contemplation du mystère est susceptible de nous ouvrir à une lecture spirituelle et théologique de l'événement. Donc de nous faire comprendre sa signification dans l'ordre de la phénoménologie mystique.


De ce prodige - le plus spectaculaire parmi ceux que connaît l'histoire de la spiritualité chrétienne -, nous avons l'assurance qu'il est le plus objectif aussi, parce qu'il ne se prête ni à l'illusion, ni à la fraude : dès lors que les témoignages sont suffisants, il est impossible d'en nier l'évidence, alors qu'aucune des autres manifestations extraordinaires du mysticisme n'est à l'abri de contrefaçons ou de plagiats (volontaires ou non), ni de tentatives d'explication excluant une intervention supérieure aux forces naturelles connues. De surcroît, le fait de la lévitation est simple, et donc sujet moins que d'autres phénomènes à amplification ou à interprétation :


Etant donné une lumière suffisante et des conditions à peu près normales, le témoin le moins cultivé est compétent pour déclarer qu'une certaine personne se tient sur le sol ou est élevée dans l'air, d'autant plus que, à cause de l'état de transe du sujet de l'enquête, le témoin a toute possibilité d'approcher et de vérifier par le sens du toucher que le spectacle qu'il a sous les yeux n'est pas illusion 3.


Grâce aux moyens mis à notre disposition par les progrès de la technologie, la lévitation pourrait être facilement évaluée en termes de mesures scientifiques quant à sa matérialité. En revanche, les causes et les effets spirituels de phénomène échapperont toujours à l'investigation.


Maman, une femme qui vole !

Dans les premières années du XX° siècle, Edwige Carboni (1880-1952) - une laïque stigmatisée que de son vivant déjà d'éminents ecclésiastiques tenaient pour une sainte - mettait en émoi son village natal :


Je me rappelle qu'étant à jouer avec les autres fillettes à côté de l'église, j'y entrai à un certain moment pour réciter une prière. Je restai abasourdie en voyant la Servante de Dieu soulevée à plus d'un mètre au-dessus du pavement, dans l'attitude de la prière. Je ne pus faire autrement que de m'écrier : « Maman, une femme qui vole ! » Le curé, Don Solinas, sortit alors de la sacristie et m'ordonna de partir, mais je ne voulus pas lui obéir. Peu après, cette dame redescendit sur le prie-Dieu, et alors je retournai à l'école, où mes compagnes m'avaient précédée. Comme la maîtresse me grondait à cause de mon retard, je lui relatai le fait et l'invitai à venir à l'église, mais elle s'y refusa, peut-être parce qu'elle ne me croyait pas 4.


Le prodige eut d'autant plus de témoins qu'il se renouvela durant près de trente années, accompagné souvent d'autres manifestations insolites : aucune clôture de couvent ni aucune chambre de malade ne dérobaient l'extatique au regard du monde et celle-ci, malgré le soin qu'elle apportait à dissimuler les faveurs divines dont elle était l'objet, ne pouvait nullement se rendre maîtresse de leur irruption soudaine dans les situations les plus banales de son existence quotidienne. Sans doute vers la même époque, témoigne Mariangela Oggianu,

Je surpris la Servante de Dieu dans l'église, elle aurait dû être agenouillée, mais elle se tenait au contraire soulevée à une vingtaine de centimètres au-dessus du prie-Dieu, sans appui d'aucune sorte. Elle avait les mains jointes, les yeux levés vers le ciel, et était absorbée en prière. Une femme du pays, à présent défunte, la nommée Elena Sanna, voulut en avoir la preuve en la touchant. Elle prit Edvige par un bras, celle-ci la suivit jusqu'à l'autel, puis revint au prie-Dieu où elle se souleva de nouveau au-dessus du sol 5.


Le phénomène accompagna Edvige durant toute sa vie, avec une telle fréquence que les procès informatifs en vue de sa béatification nous proposent sur ce point nombre de témoignages circonstanciés.


Assez semblables, par le contexte et les réactions qu'elles suscitèrent, sont les lévitations de la Vénérable Eusebia Palomino Yenes (1899-1935), religieuse espagnole des Filles de Marie Auxiliatrice :


Une fillette entra dans la chapelle [...] Regardant soeur Eusebia, elle fut épouvantée, car celle-ci était soulevée à une palme au-dessus du sol, fixant le crucifix. La petite se mit à pleurer et sortit en courant, criant : « Soeur Eusebia va tomber, soeur Eusebia va tomber ! » Dieu voulut que passât alors soeur Carmen Moreno, qui se rendit compte rapidement de ce qui arrivait  soeur Eusebia et lui ordonna de redescendre. Très docile à la voix de l'obéissance, celle-ci revint à elle en posant le pied sur le pavement et, levant les yeux vers sa supérieure, elle la supplia de ne rien dire à personne de ce qui venait de se produire 6.


De semblables prodiges sont relatés dans la biographie du Vénérable Felice Maria Ghebre Amlak (1885-1934), cistercien d'origine érythréenne mort en Italie. Peu avoir été ordonné prêtre en 1918, et se trouvant encore dans son pays natal, il fut régulièrement sujet à des lévitations lors de la célébration de l'eucharistie :


Au commencement de la messe, aux paroles Ahadú ab Kedus (Toi seul es le Saint), Haïlé Mariam [nom du Vénérable dans sa langue] se soulevait de terre 7.


Le servant de messe en était saisi d'une crainte révérencielle, et après s'être incliné, il se retirait pour cacher son émotion. Ce témoignage en est un parmi nombre d'autres signalant la fréquence du phénomène dans cette existence relativement brève, alors que le bienheureux André Bessette, religieux de Sainte-Croix à Montréal mort à l'âge de 82 ans en 1937, semble n'avoir été durant sa longue vie que rarement sujet à la lévitation :


Ce vieillard [Moïse Poirier] attesta avec le plus grand sérieux, et en pleine connaissance qu'il paraîtrait bientôt devant Dieu, qu'un jour il était allé voir le Frère André et qu'il avait partagé la chambrette au-dessus de la chapelle. Or, par deux fois, il avait vu le Frère André s'élever au-dessus de son lit8.


La réalité de faits du même ordre a été prouvée indubitablement chez d'autres saints personnages du XX° siècle.

En voici un dernier exemple, signalé par un saint qui en fut le témoin :


Je pourrais jurer que j'ai vu frère Ave Maria soulevé de terre, à peu près à cette hauteur [environ 40 cm], pendant qu'il était à lire l'Imitation du Christ. J'étais entré silencieusement dans sa cellule, la porte était à demi ouverte, et je l'ai surpris dans cette situation [...] J'attendis un peu, admirant le phénomène extraordinaire, puis je sortis sans que frère Ave Maria s'aperçût de rien. Je ne serais pas étonné qu'il fît des miracles 9.


Nous devons ce témoignage au bienheureux Luigi Orione (1872-1940), fondateur de la congrégation à laquelle appartenait le Vénérable Cesare Pisano (1900-1964), en religion frère Ave Maria).



Tradition hagiographique et signification spirituelle

Miracle assez fréquent et fort ancien dans la tradition hagiographique chrétienne, la lévitation se rencontre à peu près dans toutes les aires socio-religieuses depuis l'Antiquité :


Il est bien connu que, depuis le temps de Jamblique, et même plus tôt, jusqu'à celui de D. D. Home, un nombre considérable de personnes, sans aucune prétention à la sainteté, sont réputées avoir été l'objet de phénomènes de lévitation 10.


Est-ce en raison de cette fréquence que le prodige, pourtant extraordinaire, heurte moins que d'autres nos mentalités pétries de cartésianisme ? Témoin l'anecdote suivante : une personne avait le plus grand mal à admettre que Jésus ait marché sur les eaux du lac de Tibériade, mais elle était tout à fait disposée à concevoir que cela fût possible dès lors qu'il s'agissait d'un phénomène de lévitation qui eût maintenu son corps soulevé à fleur d'onde. Parce qu'elle est un prodige plus objectif que tous les autres, la lévitation est plus crédible. Et parce que nous savons plus ou moins qu'elle existe dans les spiritualités orientales. Or, dans l'épisode de la marche sur les eaux, il s'agit d'un phénomène d'un tout autre ordre : le pouvoir sur les éléments.

Peut-être Hélène Renard est-elle trop tributaire de l'esprit critique d'Olivier Leroy et des limites qu'il a imparties à sa remarquable étude sur la lévitation, lorsqu'elle écrit :


De tous les prodiges mystiques, la lévitation est le moins fréquent (Olivier Leroy compte 60 lévitants pour 14 000 saints - en n'ayant lu que les dix premiers mois des Acta Sanctorum, ce qui ferait à peine 0,6 %) 11.


Leroy étudiait la question dans la première moitié du XX° siècle et, hormis de rares exemples, il n'a pris en compte que les Acta Sanctorum. Il conviendrait d'exploiter l'immense domaine que constituent les procès informatifs ouverts sur des milliers de serviteurs de Dieu en vue de leur béatification, et le non moins vaste terrain de la mystique ordinaire - si je puis dire ! -, dont les représentants n'ont guère de chance de connaître un jour la gloire des autels. C'est la démarche qui a guidé cette étude, avec les limites que constitue l'impossibilité de réunir une documentation complète et à jour, plusieurs causes de béatification étant encore dans leur phase informative (où les témoignages, recueillis sub secreto, sont inaccessibles), et chaque jour apportant la révélation de nouveaux cas jusque-là ignorés ou tenus dans une extrême discrétion.

Dans l'éventail de la phénoménologie mystique, la lévitation est un fait attesté fort anciennement - bien avant la stigmatisation, par exemple -, moins rare que d'autres manifestations extraordinaires, telles la bilocation, l'inédie ou l'invisibilité. Ecrivant à peu près à la même époque que Leroy, et travaillant sur des bases quasi identiques, Thurston recense pour sa part plus de deux cents cas de lévitation dont les preuves, pour le tiers d'entre eux, « sont à tout le moins respectables ».

En étudiant la liste des 305 personnes ayant vécu aux XIX° et XX° siècle qui ont été béatifiées à ce jour (juin 2001) - à l'exception des martyrs, isolés ou en groupes -, j'ai relevé que 26 d'entre elles ont présenté dans leur existence des phénomènes de lévitation, soit 8,5% du nombre total. Encore n'ai-je retenu que les cas signalés par des témoignages nombreux et incontestables. La même proportion se retrouve chez les serviteurs de Dieu dont la cause de béatification est introduite.


Pour les exemples anciens, les preuves sont loin d'être toujours convaincantes. Il y a eu pendant longtemps chez les hagiographes le souci - dans un but d'édification, et c'était bien là une des raisons d'être des légendes (étymologiquement, legenda : récit destiné à être lu) - de couler dans un moule idéal les personnages dont ils relataient la vie : puisque le sujet est saint, il importe qu'il ait connu telle expérience ou présenté tel type de phénomène extraordinaire, tenus pour autant de signes de sainteté. Cette préoccupation des nécessités apologétiques n'était pas toujours compatible avec un réel sens critique : abordant le sujet, Thurston expose les difficultés soulevées par le caractère tardif ou fragmentaire de témoignages relatifs aux lévitations alléguées de saints aussi éminents que François d'Assise, Dominique, et même Ignace de Loyola et François-Xavier.

Il n'en reste pas moins qu'une négation systématique de la réalité du prodige est tout à fait vaine, car elle ne résiste pas, dans les cas les mieux établis, à la solidité des témoignages :


L'hagiographie catholique, parmi des faits douteux ou même d'interpolation probable, présente un certain nombre de cas où les preuves de la réalité de la lévitation offrent les garanties que l'on exige habituellement de l'histoire 12.



Saint Joseph de Copertino

L'hagiographie connaît plusieurs exemples anciens de lévitations dont on ne saurait sans parti pris ou mauvaise foi contester la réalité, tant sont décisifs le nombre, la valeur et la convergence des témoignages s'y rapportant. Le lévitant le plus célèbre est Joseph de Copertino, le saint volant. Lorsque le prodige eut lieu pour la première fois, dans l'église de Copertino - c'était le 4 octobre 1630, aux vêpres de saint François -, Joseph Desa était âgé de vingt-sept ans. Entré cinq ans auparavant chez les Conventuels de son village natal, il avait connu bientôt après son ordination sacerdotale une douloureuse nuit de l'esprit  puis, à deux années de désolation spirituelle ininterrompue, avait succédé la consolation d'extases parfois fort longues, caractérisées par une délicate intimité avec la Vierge Marie.

Si l'on se réfère aux classifications thérésienne et sanjuaniste des étapes de la vie intérieure, il abordait alors les sixièmes demeures du château intérieur, degré d'union à Dieu caractérise parfois par de fréquentes extases fonctionnelles. La première lévitation coïncida avec le début d'une extase plus profonde que les précédentes, un ravissement ou vol de l'esprit : poussant un grand cri, Joseph fut soulevé plus haut que la chaire, au-dessus d'une foule d'abord stupéfaite - on l'eût été à moins ! -, puis enthousiaste, comme on sait l'être en Italie méridionale. A partir de ce jour, le prodige se reproduisit en public une bonne centaine de fois, jusque moins d'un mois avant sa mort le 18 septembre 1663. Ces faits spectaculaires le remplissaient de confusion, et, revenu à luià et sur la terre ferme, soit spontanément, soit en vertu d'un ordre de ses supérieurs, il s'enfuyait dans sa cellule pour s'y cacher et y pleurer. Il suffisait d'un rien pour occasionner ces extases accompagnées de lévitation : la célébration de la messe, bien sûr, mais aussi un chant d'oiseau, la vue d'une image sainte, une parole de l'Ecriture, un propos sur l'amour de Dieu. Joseph s'efforçait de résister à l'attraction qui le soulevait au-dessus du sol, mais le phénomène - toujours signalé par un grand cri - était d'autant plus éclatant qu'il tentait de s'y dérober : vols rapides à vingt palmes (près de 4 mètres !) de hauteur, transports aériens à travers l'église, ascensions vertigineuses jusqu'à telle ou telle statue, ou vers le tabernacle. On venait en foule pour contempler le prodige, que des milliers de personnes, gens du peuple, religieux, évêques et cardinaux, princes et grands de ce monde accourus de toute l'Italie, d'Espagne et même de Pologne, purent voir de leurs propres yeux, parfois avec épouvante, le plus souvent avec un enthousiasme délirant qui n'empêchait nullement les spectateurs d'être fort édifiée, et de se convertir à l'occasion.


Bien entendu, le terrible Saint-Office réagit promptement : tantôt redoutant un artifice du démon, tantôt craignant une explosion de fanatisme populaire, il prit de rigoureuses mesures d'isolement pour soustraire le pauvre moine à la curiosité indiscrète des foules. Cela ne fit que mettre en évidence la sainteté de Joseph et souligner le caractère sensationnel des lévitations. Les phénomènes les plus remarquables eurent lieu lors de sa réclusion à Assise (1639-1646), devant la statue de l'Immaculée Conception qui est dans la basilique Saint-François.


A la lecture de la biographie, fort bien documentée, que Gustavo Parisciani a consacrée à Joseph de Copertino, on reste stupéfait - tout comme l'auteur, qui a puisé aux sources les plus fiables - devant la prodigalité divine dans ces lévitations du saint, qu'accompagnaient d'autres phénomènes et charismes éclatants. Et pourtant :


Non seulement il avait le vif désir de célébrer en privé, abhorrant de se faire voir en public  des larmes et en insistant grandement, il ne cessait de demander à ses supérieurs qu'ils ne lui fissent pas dire la messe [en public] 13.


Cause pour Joseph de Copertino de vifs tourments intérieurs, ces lévitations lui furent l'occasion d'entrer toujours plus avant dans les voies de l'humilité, de l'obéissance et du détachement de soi-même. Elles s'avérèrent un instrument - non des moindres - de sa sanctification, autant qu'un signe de l'éminente sainteté à laquelle, fort jeune encore, il était parvenu.



Quelques cas remarquables du XIX° siècle

L'exploration des sources hagiographiques permet au chercheur de découvrir pour le XIX° siècle quelques faits de lévitation peu connus, qui présentent un intérêt indéniable, tant par la qualité et la fiabilité des témoignages, que par la richesse et la complexité du phénomène. En voici quelques exemples des plus intéressants, parmi des dizaines d'autres.

Avant de fonder l'institut des Carmélites de la Charité, Joaquina de Vedruna (1783-1854) fut la jeune et charmante épouse de Teodoro de Mas, riche notable de Vich, en Catalogne. La mort prématurée de son mari, tendrement aimé, donna une nouvelle impulsion à sa vie intérieure, déjà signalée par une solide piété : sans négliger le moins du monde l'éducation de ses six enfants, sans les frustrer de la plus infime parcelle de tendresse maternelle, elle régla ses journées de façon à se ménager de longues heures d'oraison et à pouvoir s'adonner aux oeuvres de charité autant qu'à de rudes pénitences. Elle nota à cette époque (1816-17) une totale transformation de son âme, que manifestèrent bientôt extases et ravissements accompagnés de lévitations. Ces phénomènes jalonnèrent le reste de son existence et eurent, malgré les soins qu'elle employait à les celer, de nombreux témoins :


Vivant encore dans le siècle et faisant oraison en sa maison avec sa fille Inès, celle-ci la vit soudain pâlir et, environnée de lumière, s'élever au-dessus du sol à une hauteur notable14.


Ces lévitations présentaient la particularité de s'accompagner presque toujours de manifestations lumineuses :


Je vis de nuit une grande clarté dans la chambre de la Mère et, l'ayant appelée en vain, je soulevai le rideau  à mon grand émerveillement, je la vis tout auréolée de lumière et soulevée en l'air 15.



Des dizaines de déclarations comparables ont été recueillies lors des enquêtes menées en vue de la canonisation de la Servante de Dieu. Extases et lévitations étaient particulièrement fréquentes lorsque Joaquina se trouvait en adoration devant le très Saint-Sacrement.


A la même époque, les habitants de Rome pouvaient surprendre chez Don Vincenzo Pallotti (1795-1850) - un prêtre qui fonda la Société de l'Apostolat Catholique - des phénomènes identiques :


Au mois de juin 1839, après s'être confessée dans l'église des Mantellate, Elisabetta Sanna se mit en prière devant l'autel de la Très Sainte Trinité, pendant que Don Vincenzo se trouvait du côté opposé, devant l'autel de sainte Julienne. Au bout de quelques instants, Elisabetta entendit une rumeur confuse et, croyant que c'était le saint qui repartait, elle se retourna pour se lever et aller le saluer [...] En fait, elle le vit soulevé de terre de plus de deux palmes, et il resta ainsi environ un quart d'heure 16.


Les lévitations de Don Vincenzo eurent de nombreux témoins, et non des moindres :


Monseigneur Ignaz Senestrey, évêque de Ratisbonne, dit à Don Alois Pöppl qu'un matin, pendant qu'il servait la messe de Don Vincenzo au Collège Germanique à Rome, il l'avait vu soulevé de terre à l'élévation 17.


Les spectaculaires ravissements du saint prêtre étaient de notoriété publique à Rome, au point que l'on reprenait les enfants distraits en leur disant : « Eh, tu es en extase comme l'abbé Pallotti ! ». Citons encore un témoignage :


En 1843, Don Francesco Vaccari, pendant qu'il lui servait la messe dans la chapelle privée du couvent des carmes à Saint-Pancrace, le vit soulevé de terre d'une palme environ à l'élévation de l'hostie, et à l'élévation du calice il le vit les bras étendus et levés, comme en extase 18


En France, Michel Garicoïts (1797-1863), fondateur de la Société des Prêtres du Sacré-Coeur de Bétharram, était sujet au même type de prodiges. Si les Filles de la Croix d'Igon rapportent les faits avec un laconisme déconcertant -


Je viens de voir M. Garicoïts en extase, élevé au-dessus du sol pendant qu'il célébrait la sainte messe. Cela a duré un bon moment 19 -,


des récits plus circonstanciés nous sont venus du monastère des dominicaines de Nay, et de Bétharram même :


En m'inclinant pour adorer les saintes espèces, je fus tout surpris de voir que les pieds du P. Garicoïts ne touchaient pas le marchepied de l'autel. Il était élevé au-dessus du sol de 10 à 15 centimètres. Il ne touchait pas le marchepied avec la pointe des pieds, car ses pieds étaient en l'air dans une position horizontale. J'ai constaté ce phénomène soit pendant l'élévation de l'hostie, soit pendant l'élévation du calice. Je ne me souviens pas s'il retoucha le sol pour la génuflexion qui sépare les deux élévations 20.


Dans ce type de lévitations, appelées parfois extases ascensionnelles, le corps du sujet se soulève insensiblement du sol, reste suspendu plus ou moins longtemps, immobile, avant de redescendre à terre. Pour d'autres cas, le lecteur se reportera à l'ouvrage d'Olivier Leroy 21






Ana de Jesus Magalhaës

Une autre forme du phénomène se présente en la personne de la Servante de Dieu Ana de Jésus Magalhaës, une pauvre bergère du village d'Arrifana, au Portugal. Un accident la rendit grabataire à l'âge de seize ans, en 1828. On la savait fervente et résignée à son mal incurable, on découvrit fortuitement qu'elle lévitait. Dérobée aux regards par les courtines de son lit, elle passait une partie de la nuit à prier, méditant surtout la Passion de Jésus. Un soir de 1846-47, ses deux soeurs éberluées s'aperçurent qu'elle était en extase, et élevée en l'air. Bien décidées à ne pas s'en laisser conter, les pieuses filles alertèrent le curé : après tout, c'était de son ressort, que cela vînt de Dieu ou du diable ! Fort incrédule, le prêtre voulut toutefois se rendre compte par lui-même de la réalité du prodige allégué. Ayant entendu l'infirme en confession - sans doute pour savoir si elle-même avait quelque connaissance du phénomène -, il la communia età constata à son tour que ce n'étaient pas là imaginations de bonnes femmes :


Après la très sainte communion, elle s'éleva, restant suspendue au-dessus du lit à une hauteur de trois palmes environ, durant l'espace de trois heures 22.


Cela se produisit dès lors


presque quotidiennement, aux heures qu'elle consacrait à l'oraison mentale. Je sais, sans aucun doute, qu'elle a coutume de prier ainsi chaque nuit, aux heures les plus profondes23.


On contrôla la réalité de la lévitation :


Après avoir reçu la sainte communion, elle tombait en extase et s'élevait au-dessus du lit, de sorte qu'on pouvait passer les mains entre la couverture et son corps, de la tête jusqu'aux pieds 24.


Le curé se montra l'homme de la situation. Il n'eut de cesse de multiplier épreuves et contre-épreuves, si bien que même entouré d'une grande discrétion, le phénomène eut des dizaines de témoins, surtout des prêtres et des médecins, dont les observations et les dépositions sont d'un intérêt capital :


Les fois où je célébrai la messe pour elle et lui donnai la communion, je pus observer qu'après avoir reçu le Seigneur, elle s'absorbait dans la contemplation [...] Je voyais alors la Santinha en extase, sans aucun mouvement, les yeux grand ouverts et levés vers le ciel, fixant un point éloigné. Son corps était suspendu en l'air et immobile, dans la position horizontale, pendant un temps conséquent 25.


Tous les témoignages sont parfaitement convergents. Ils soulignent la parfaite immobilité du corps suspendu en position horizontale, la pâleur du visage, l'impassibilité des traits et la totale insensibilité aux stimuli extérieurs : piqûres, brûlures, bruit. Les faits, quotidiens, durèrent vingt-neuf années, au fil desquelles on put mettre en évidence quatre types d'extases accompagnées de lévitations :


- les extases d'oraison :

se produisant chaque nuit, elles eurent très peu de témoins. C'est le seul cas où le visage de l'extatique exprimait tantôt la joie, tantôt la tristesse, suivant l'objet de sa contemplation.


- les extases eucharistiques :

après avoir reçu la communion, Ana était soulevée au-dessus de son lit, restant ainsi immobile durant un temps conséquent.


- les extases du Vendredi Saint :

elles se renouvelaient chaque année de midi à quinze heures précises, moment où Ana ramenait contre son corps ses bras jusque-là étendus en croix, puis inclinait la tête sur la poitrine avant de redescendre doucement sur son lit pour reprendre conscience.


Atteinte d'hémiplégie six ans avant sa mort en 1875, Ana Magalhaës n'en restait pas moins capable, lors des extases du Vendredi Saint, de mouvoir avec aisance son bras paralysé pour adopter l'attitude du crucifiement. Perplexes, les médecins n'ont pu que constater la réalité de ce phénomène inexplicable du point de vue naturel.


- les extases des « sorties du Seigneur » :

ce sont les plus étonnantes. Comme la stigmatisée Anne-Catherine Emmerick, l'extatique d'Arrifana avait le don de percevoir à distance la présence sacramentelle du Seigneur. Chaque fois que l'on portait l'eucharistie en viatique à un malade ou un mourant de la localité, Ana entrait en extase, s'élevait au-dessus de son lit et suivait d'un mouvement de la tête, parfois du corps entier, le parcours de la procession à travers les rues du village.

L'insertion du prodige dans le rythme de la vie spirituelle de la Servante de Dieu, et les formes spécifiques qu'il revêt en fonction de chaque mode de prière personnelle ou liturgique, lui confèrent une valeur de signe singulièrement éloquente.



Francisca Ana Cirer Carbonell

Soeur de la charité à Majorque, Francisca Ana Cirer Carbonell (1781-1855) a été béatifiée en 1989. Dans les dernières années de sa vie, alors qu'elle atteignait sa pleine maturité spirituelle, elle connut de fréquentes extases accompagnées de lévitations impressionnantes : il suffisait que l'on prononçât le nom de Dieu pour que se produisît le phénomène. Les faits eurent une quantité de témoins, car ils se produisaient à tout moment et en tout lieu, arrachant soudain la religieuse à ses occupations du moment :


Les oraisons du soir ayant été récitées [...] avant d'éteindre la lumière, la fervente Servante de Dieu fut inopinément ravie en extase et commença à s'élever à une hauteur assez conséquente, restant allongée comme elle l'était auparavant, et tirant avec elle la couverture 26.


Après un premier mouvement de stupeur, ses compagnes réalisèrent ce qui se passait. Plus tard, malgré la fréquence du phénomène, elles ne s'y habituèrent jamais vraiment :



Etant malade, elle gardait la chambre. Or, parlant de Jésus et des choses du ciel avec Magdalena et Catalina Maria de Ca'n Tano, elle fut ravie en extase et commença aussitôt à se soulever, comme si elle était absorbée vers le haut, conservant toutefois la position horizontale. Elle atteignit une hauteur notable, si bien que ses deux compagnes [...] se crurent obligées d'interrompre le mouvement et, saisissant de chaque côté les pans de la couverture [qu'elle avait entraînée avec elle], elles se mirent à tirer de toutes leurs forces vers le bas pour la faire revenir sur son lit 27.


On ne nous dit pas si les braves filles y parvinrent. Un phénomène comparable est mentionné à la fin du siècle dernier au sujet de Marie-Julie Jahenny (1850-1941), la stigmatisée de La Fraudais, par sa confidente madame Grégoire :


Marie-Julie est soulevée de tout son long, à trente centimètres au-dessus de son lit, entraînant modestement le drap et la couverture, mais son corps ne repose plus sur rien 28.


Le ravissement saisissait parfois Francisca Ana lorsqu'elle était à table, et elle gardait alors la position assise :


Ravie en extase et soulevée en l'air, la Servante de Dieu commença à parler avec un personnage invisible qui semblait être à sa droite [...] Elle était élevée dans l'air, conservant la position assise, mais sans toucher son siège ni le sol. L'extase fut de longue durée, et les nombreux témoins purent l'entendre parler 29.


Si elle était en prière, elle se retrouvait suspendue à genoux dans l'air :


Elle était agenouillée, élevée de terre de trois palmes et demie, et l'aspect de son visage n'était pas naturel, car elle versait d'abondantes larmes, comme quelqu'un qui souffre beaucoup 30.


De nombreuses personnes de toutes conditions attestèrent la réalité de ces lévitations, devenues si fréquentes qu'elles constituaient pratiquement un élément de la vie quotidienne de la petite localité où vivait la religieuse :


Une nuit, alors que les enfants étaient dans l'école, elle fut saisie par l'extase dans le réfectoire et soulevée du sol. Les enfants se trouvaient dans la pièce voisine. La très brave Magdalena voulut leur donner le plaisir de la voir ainsi et, afin d'éviter le moindre bruit de leur part, elle les fit entrer pieds nus. Effectivement, ils la virent dans l'air, élevée à trois palmes au-dessus du sol, les mains tendues vers le haut et la tête levée, regardant le ciel 31.


De tels incidents étaient si fréquents que les gamins de l'école (et leurs parents) harcelaient les religieuses pour qu'on les avertît lorsque leur compagne avait ses extases. Dès que le phénomène se produisait, en en informait aussitôt la population du village ! Soeur Francisca Ana jouissait de son vivant déjà d'une telle réputation de sainteté, qu'elle ne fut jamais inquiétée, ni même soumise par l'autorité ecclésiastique à de fastidieuses enquêtes : tout se déroulait simplement, dans une atmosphère de fioretti, pour la plus grande édification des habitants de Senecelles et des visiteurs occasionnels. Elle-même, après avoir beaucoup souffert de ce qu'elle appelait ces étrangetés, avait fini par s'en accommoder.



D'autres « femmes volantes » au xix° siècle

En France, Marie de Jésus du Bourg (1788-1862), fondatrice à La Souterraine des Soeurs du Sauveur et de la Sainte Vierge, connut dans les dernières années de sa vie des ravissements quotidiens accompagnés de lévitations que caractérisait leur caractère impétueux :


[elle] s'élevait alors en l'air à la hauteur de sa chaise puis retombait brusquement sur son prie-Dieu. Un jour, le 7 avril 1856, elle fut soulevée de terre avec une force telle qu'elle s'accrocha à son prie-Dieu qui fut lui aussi soulevé. En retombant, la chute fut si violente que le socle de ce prie-Dieu massif en fut brisé 32.


La Servante de Dieu perçoit fort bien la cause de ces rapts, dont elle se relève par ailleurs toujours indemne, malgré leur violence :


Au moment où je faisais l'acte d'amour de Dieu, à la prière du soir, la Révérende Mère fut enlevée avec une force véhémente  et comme elle s'attachait à son prie-Dieu pour résister à l'attraction divine, le prie-Dieu fut aussi enlevé et retomba avec un grand fracas. Le marchepied se fendit. Le lendemain matin, je fus la voir : « On me demande des nouvelles de mes genoux, dit-elle avec une certaine confusion, ils ne me font pas mal du tout. - Le prie-Dieu n'en dirait pas autant, repris-je. - Mon coeur se partageait et partait, reprit la bonne Mère  qui m'a fait bien souffrir ». Et quelques moments après elle descendit doucement à la chapelle, voir ce qui en était de son prie-Dieu et se baissant pour regarder la fente, elle disait tout bas : « O chétive et misérable créature ! vois ce que tu as fait » 33


Cet amour purifiant et crucifiant, auquel fait allusion la fondatrice, est précisément le signe que l'âme se trouve dans les cinquièmes ou sixièmes demeures de la vie unitive.

Au terme d'une longue période de purifications intérieures, Maria De Mattias (1805-1866), fondatrice des Adoratrices du Précieux-Sang à Rome - aujourd'hui béatifiée - connut des extases accompagnées parfois de lévitations, qui signalaient le haut degré d'union à Dieu auquel elle était parvenue :


Une nuit de Jeudi Saint, notre vénérable fondatrice s'étant arrêtée à l'église pour prier devant le Saint-Sépulcre, une de nos soeurs - poussée par la curiosité - alla l'épier pour voir ce qu'elle faisait. Elle fut surprise de la voir soulevée en l'air 34.


La fondatrice interdisait à ses filles de faire allusion à ces prodiges, dont pâtissaient son humilité et son désir de vie cachée, mais allez empêcher une communauté de femmes de bavarder ! Même l'ascendant d'une sainte n'y suffisait pas. Alors elle se mit à fuir les occasions, en quelque sorte, se retirant précipitamment dans sa chambre lorsqu'elle sentait l'extase la saisir, et s'efforçant en même temps de résister au ravissement.

En vain :



Une fois, on portait dans le monastère la communion en viatique à une religieuse infirme, et soeur Luisa Speroni, qui avec d'autres compagnes escortait le très Saint Sacrement et portait un cierge à la main, s'approcha de la chambre de la supérieure pour voir si elle s'y trouvait : et elle la vit qui était soulevée bien au-dessus du pavé 35.


D'autant plus en vain que le phénomène avait lieu parfois en public :


Une fois, à Marino, étant alors une fillette de six ou sept ans, je me rendis à la chapelle pour entendre la Vénérable qui faisait une conférence. Je parvins à me placer tout près d'elle, tant l'affluence du peuple était grande  pus observer qu'à un moment elle s'éleva de terre, et ce fait m'impressionna beaucoup, et il m'impressionne encore, comme s'il venait juste de se produire 36.


Les recoupements chronologiques permettent de situer ces phénomènes dans les années 1855-56, c'est-à-dire la période où la bienheureuse connaissait, au sortir d'une nuit des sens et de l'esprit, l'union extatique des fiançailles spirituelles, prélude à l'union transformante de l'âme.


Tout à fait comparables sont les lévitations de Clelia Barbieri, fondatrice des Soeurs Minimes de Notre-Dame des Douleurs, aux Budrie de Bologne. Elle mourut en 1870, à peine âgée de vingt-trois ans, et les faits marquèrent les ultimes années de cette courte existence, au moment où la jeune femme parvenait aux sommets d'une précoce sainteté :


Un jour que nous étions, elle et moi, à travailler ensemble dans une pièce, je la vis tout à coup déposer son ouvrage sur ses genoux et, son visage changeant d'expression, elle me parut comme sur le point de s'évanouir. Toute confuse de me trouver seule dans cette situation délicate, je me levai et m'approchai en tremblant un peu, pour lui porter secours. Mais quand je fus auprès d'elle, je constatai qu'elle était soulevée en l'air, sans aucun appui. Je ne sais pourquoi, dans cette confusion - mais je me le rappelle fort bien -, je posai le pied sur sa chaise, mais n'osai pas la toucher  l'évidence qu'elle était entièrement soulevée en l'air 37.


Les extases de Clelia Barbieri étaient si fréquentes que l'on ne s'en étonnait plus guère dans sa petite communauté  ses compagnes les appelaient la maladie de Madre Clelia. Elles correspondaient la plupart du temps à des missions spirituelles :


Nous la vîmes soulevée de terre et comme ravie en extase, continuant de parler avec une personne lointaine, une certaine Teresa Solari, qui alors se trouvait à Gênes 38.


Un dernier exemple, non moins intéressant, nous introduit dans le XX° siècle. Le 14 septembre 1904, jour où l'Eglise célèbre l'Exaltation de la Croix (aujourd'hui : la Croix Glorieuse), la Mère Teresa Maria Manetti (1845-1910) présidait au réfectoire le repas de communauté. En raison de la solennité du jour, chère à son coeur, elle avait réuni le plus grand nombre de ses filles, les Carmélites de Sainte-Thérèse, dont elle avait fondé la première maison trente ans auparavant. A la fin du déjeuner,


La Servante de Dieu entonna son cantique préféré : « Vive la croix et Celui qui la porte ». Pendant que les religieuses poursuivaient la strophe, leur jubilation se changea d'un coup en stupeur : la Mère, d'un trait, s'était élevée en l'air à une hauteur notable et, les bras ouverts, elle resta pendant quelques minutes suspendue au-dessus du sol, le regard fixé sur un point, s'exclamant : « Je t'aime, oui, je t'aime ! » Il fallut écarter la table pour qu'elle ne s'y heurtât point  redescendit doucement sur le sol et revint à elle, restant très confuse que la communauté eût été témoin de ce prodige. Les soeurs pleuraient et tremblaient, bien qu'elles aient su que leur Mère avait déjà, d'autres fois, été favorisée par Dieu de dons semblables 39.


Teresa Maria della Croce Manetti a été béatifiée en 1986.





Quelques cas de lévitation au XX° siècle

Assurément, on ne prête qu'aux riches, et des figures charismatiques aussi célèbres que le bienheureux Padre Pio et les Servantes de Dieu Theres Neumann et Marthe Robin - pour ne citer qu'elles - sont créditées par la vox populi de toutes les variétés de prodiges que connaît la phénoménologie mystique. On retrouve là un peu la démarche qui conduisait les hagiographes des siècles passés à « en rajouter » pour inscrire leurs saints dans une tradition prédéfinie, quitte à gonfler leur palmarès. Qu'en est-il des trois grands stigmatisés du XX° siècle ?



Du capucin Padre Pio da Pietrelcina (1887-1968), il n'existe aucun indice qu'il ait été sujet à la lévitation, quoi que la rumeur ait pu véhiculer à ce sujet dans les dix années précédant sa mort. Les pièces de la procédure en vue de la béatification n'évoquent pas le phénomène. Il en est de même pour Marthe Robin (1802-1981), l'inspiratrice des Foyers de Charité, quoi qu'ait pu en écrire l'auteur d'un ouvrage sur la sainte de la Galaure :


A ce moment, mère Lautru, Mlle Dumas et le Père Finet sont témoins d'un fait surnaturel [...] Elle est miraculeusement soulevée au-dessus de son divan et se met à parler avec l'âme de sa petite maman pendant douze minutes. Grâce au Père Finet, le temps de ce phénomène de lévitation a été noté ainsi que les paroles de Marthe [...] Puis son corps reprend lentement contact avec le divan 40.


Dans un livre qu'il a consacré à Marthe Robin, le père Peyret mentionne également cet épisode - au moment du décès de la mère de Marthe, le 22 novembre 1940 -, mais sans faire la moindre allusion à un phénomène de lévitation 41. L'étude des sources constituant le matériau en vue de la béatification de Marthe Robin m'a permis de constater qu'il n'y a jamais eu la moindre lévitation dans sa vie. En ce qui concerne Theres Neumann (1898-1961), quelques témoignages semblent en revanche établir la réalité du phénomène :


Thérèse était assise sur un siège bas, tout à côté du siège abbatial et à sa droite, de telle sorte que l'assistance ne la voyait pas. Or, pendant l'Elévation, l'abbesse ne put s'empêcher de remarquer, stupéfiée, que la stigmatisée se trouvait transportée à la même hauteur qu'elle, ayant, en outre, gardé les jambes étendues, comme lorsqu'elle était assise sur son tabouret. Pour être sûre qu'elle n'était pas le jouet d'une illusion, l'abbesse passa, à plusieurs reprises, sa main sous les jambes de Thérèse, dont la robe pendait sans toucher le sol 42.


Le prodige se serait renouvelé le 15 août 1938 :


Avec son indépassable prudence coutumière, le docteur Steiner rapporte (p. 134) qu'au cours d'une vision qu'eut Thérèse Neumann de l'Assomption, en 1938, au couvent Steyler à Tirschenreuth, elle resta en extase élevée de 15 à 20 cm au-dessus du sol, pendant un moment, et il cite le nom d'un des divers témoins oculaires de cet événement 43.


Le passage en question se trouve, en effet, dans le dernier ouvrage de Johann Steiner, mais aux pages 283-284 auxquelles renvoie un bref paragraphe de la page 203 sur la lévitation :


Theres [...], après s'être levée et dressée sur la pointe des pieds, s'écria : « avec [toi], avec [toi] ! »  pendant un moment et se tint élevée dans l'air pendant quelque temps. Le 24.9.1950, j'ai rencontré à Konnersreuth un témoin oculaire de ce phénomène, monsieur Dost, de Hildesheim, qui a attesté la véracité du fait. Theres aurait été élevée à 15-20 cm au-dessus du sol et serait restée en cet état de lévitation pendant un moment 44.


La récolte est bien maigre auprès de ces trois mystiques, que l'on tient pour les figures charismatiques les plus importantes du XX° siècle. Est-ce à dire que la lévitation se raréfierait ?


Peu connue même dans son pays d'origine, Maria Concetta Pantusa (1894-1953) présente une phénoménologie mystique d'une diversité si déroutante que le lecteur aura l'occasion de la retrouver plus d'une fois au détour de ces pages. Sa première extase avec lévitation eut lieu en 1918, en présence de cinq personnes, dans la maison de madame Erminia Pace, à Celico (Italie, Calabre). Ce fut le premier des multiples ravissements que cette humble veuve devenue ermite connut jusqu'à la grâce du mariage mystique, qui lui fut accordée en 1944, au terme d'une longue et douloureuse nuit de l'esprit  : elle s'élevait à plus d'un mètre au-dessus du sol, à la stupéfaction de ses proches. Son confesseur et biographe explique ainsi la cause spirituelle du phénomène :


Comment le Père aimant récompense-t-il l'ardeur d'amour des anges, purs esprits ? En se faisant voir à eux sans voile et en permanence, les comblant des torrents d'une parfaite béatitude. Aux âmes angéliques de la terre, il accorde une récompense comparable dans la contemplation, se faisant voir à intervalles et pour peu de temps, leur donnant ainsi un avant-goût de la vision béatifique 45.


Innombrables sont les témoignages de personnes hautement qualifiées - médecins, psychologues, membres du clergé - qui ont attesté la réalité de ces lévitations, ainsi que l'éminente sainteté de la Servante de Dieu.


Sa contemporaine Tomasina Pozzi (1910-1944), religieuse de la Sainte-Famille à Mese, en Italie du nord, a connu également de nombreuses extases ascensionnelles :


Avec une grande agilité, elle se mit debout (elle était alitée et vêtue d'une longue chemise qui tombait jusqu'à ses pieds) et marcha sur le lit. J'ai eu l'impression que ses pas étaient extrêmement légers et que le lit se ressentait bien peu de son poids. Puis elle monta sur le barreau du lit, un tube de métal d'un diamètre de quelques centimètres, et là, elle resta un long moment debout, les bras levés, le regard tourné vers le haut [...] Puis elle en descendit rapidement et, sans la moindre fatigue ni le moindre effort, elle retomba comme un corps mort sur le lit. Je sais que ces faits se sont répétés souvent. Il faut noter qu'à cette époque elle avait les stigmates aux pieds, qui lui causaient de grandes douleurs 46.



L'auteur qualifie de lévitation ce numéro d'équilibriste, à vrai dire assez remarquable, mais qui ne présenterait guère d'intérêt s'il n'était étayé par des incidents plus convaincants :


Je déclare avoir vu une fois soeur Tomasina, dans le cloître, soulevée en extase, et ne touchant à peine le sol que de la pointe des pieds 47.


On ne peut pas encore parler de lévitation. Mais il existe des témoins de véritables soulèvements au-dessus du sol :


Au retour, j'ai trouvé soeur Tomasina à l'écart de quelques mètres, agenouillée devant une statue de l'Immaculée : elle était soulevée de terre, et avait le visage comme transfiguré48


De même, les soeurs Giovanna Masa et Clementina Caproni ont déposé, lors de l'enquête diocésaine :


Avoir vu une fois soeur Tomasina au réfectoire, pendant que nous mangions, se soulever de terre et rester sans toucher le sol, élevée dans les airs de 30 centimètres, pendant dix minutes environ 49.


Plus proches de nous dans le temps, et encore vivants, divers mystiques auraient présenté - pour certains, présenteraient encore - des phénomènes de lévitation.


Le visionnaire Domenico Masselli, de Stornarella (Italie, diocèse de Foggia), est un paysan, père de famille, né en 1922. Il serait favorisé depuis 1959 d'apparitions de la Madone accompagnées d'extases ascensionnelles. Selon les dires de son entourage - lui-même affirme ne se rendre compte de rien -, les faits se déroulent suivant un rituel immuable :


Dans un angle, se trouve le confessionnal ou « cellule » des mortifications physiques et mentales de Domenico Masselli. C'est ici qu'il entre pour faire pénitence, et c'est d'ici, de la partie supérieure, ouverte, qu'on l'a vu tant de fois s'élever alors qu'il se sentait monter au ciel après être tombé en extase sur terre 50.


Le chapitre que lui consacre Anna Maria Turi dans son enquête sur les mariophanies n'est guère convaincant. Le document photographique qui illustrerait une lévitation est si bien coupé, ou si mal cadré, que l'on ne peut en tirer aucun indice probant en faveur de la réalité du fait. Il est étrange que le visionnaire ait besoin de se soustraire à la vue du public pour que se produise le phénomène car, le bas de son corps étant dissimulé par la paroi de sa cellule, nul ne peut vérifier qu'il est soulevé au-dessus du sol : il pourrait tout aussi bien monter sur une chaise ou un escabeau. Le prétendu lévitant est d'ailleurs dans une attitude étrange, rappelant la scène de la servante qui s'envole au-dessus du toit, dans le film Théorème de Pier Paolo Pasolini.



* Don Carlo Mondin, prêtre du diocèse de Ferrara (Italie), né en 1944, aurait été vu léviter en diverses circonstances, notamment durant la célébration de la messe :


Nous nous sommes arrêtées à Berra pour transmettre les salutations de Mgr Cinelli au curé, Don Carlo Mondin. Ce prêtre, voyant Raffaella, lui prit les mains en disant : « Que de niches t'a faites Jésus ! », et elle de répondre : « Et à vous, mon Père ! ». Devant la porte de la maison, il a été saisi par l'extase. Il semblait suspendu en l'air. Nous avons assisté à sa messe, très douloureuse 51.


Le témoignage - un des rares que l'on possède - est bien vague. Les faits se produisirent dans les années 1975-78, ils firent quelque bruit et attirèrent les foules. Mais l'évêque, rendu prudent par les difficultés que connaissaient certains de ses confrères à cause d'apparitions et de miracles allégués, prit contre Don Carlo de sévères mesures d'isolement, et l'affaire retomba dans le silence. Là encore, les preuves avancées ne sont guère convaincantes, les témoignages émanent de cercles miraculistes dont les membres, très exaltés, villégiaturaient alors à San Damiano et autres lieux semblables.


* Maria Concepción (Conchita) Gonzalez, née en 1949, est la principale voyante des apparitions présumées de la Vierge à San Sebastián de Garabandal (Espagne, 1961-65). Elle aurait eu, lors de la vision du 18 juin 1965 une lévitation impressionnante :


Ensuite, je la vis s'élever de soixante centimètres environ, la main droite levée et sans aucun appui, pour tomber, quelques secondes après, sur les genoux, sur la roche vive, en produisant un craquement effrayant 52.


Ces affirmations ne méritent guère d'être retenu, car le père Luna - un bon prêtre, assurément, mais friand de merveilleux - était enclin à embellir, sinon à inventer l'histoire. Son récit se retrouve dans le livre du père Eusebio Garcia de Pesquera Elle se rendit en hâte à la montagne 53, en des termes nettement plus nuancés qui interdisent de conclure formellement à la réalité de la lévitation alléguée. De surcroît, il n'existe aucun autre témoignage sur ce phénomène spectaculaire qui aurait dû marquer les esprits. Un autre fait semble plus crédible :


Je connais de nombreux cas de lévitation qui ont eu lieu à Garabandal. On en a photographié un sur diapositive et sa reproduction est répandue dans le monde entier ... Conchita, en extase, eut une lévitation manifeste, dûment contrôlée. Elle se trouvait étendue sur le sol de tout son long, les bras un peu séparés du corps, les paumes des mains dirigées vers le haut

Nous la vîmes s'élever à une hauteur de dix centimètres en conservant la même position allongée. A partir de là, elle fit trois mouvements de balancement de l'avant vers l'arrière, et de l'arrière vers l'avant, comme pour nous démontrer qu'elle était bien détachée du sol.

Après une minute et demie (nous avons contrôlé le temps), elle commença à baisser très lentement, le corps toujours parfaitement et décemment allongé, jusqu'à retrouver le sol.

Tous, nous avons signé une relation de ce fait extraordinaire et l'avons remise à don Valentin, pour qu'il l'envoie à Monseigneur l'évêque de Santander 54.



* Angelo Chiriatti est un visionnaire qui a connu bien des déboires. Né en 1955 à Surbo, en Italie méridionale, il affirma à partir du 23 mars 1970 être favorisé d'apparitions mensuelles de la Vierge. En ces occasions, diverses personnes l'auraient vu en lévitation :


Angelo était agenouillé, et il commença à s'élever au-dessus du sol. Je lui enfonçai profondément une aiguille dans le bras, mais il ne sentit rien, il était comme mort 55.


Mis en observation dans un couvent de Lecce, à la demande de Mgr Francesco Minerva, archevêque de Lecce et ordinaire de Surbo, il y aurait présenté des phénomènes analogues. Mais l'archevêque m'écrivait le 19 février 1979 :


Il s'agit d'apparitions non véritables car, des multiples enquêtes effectuées par la curie épiscopale de cette ville, il résulte qu'il s'agit d'une grave supercherie.


Plusieurs photos montrent le visionnaire à ce point pressé par la foule qui l'entoure, que l'on se demande comment un fait de lévitation aurait pu être mis en évidence dans de telles conditions. Peut-être, en ces circonstances, Angelo aura-t-il été discrètement soulevé par quelque compère pour faire simuler le phénomène aux yeux des fidèles qui l'écrasaient presque ? Cette histoire d'apparitions - avec ou sans lévitations - a connu une fin lamentable.

A la suite de la condamnation des faits par l'archevêque de Lecce, Angelo Chiriatti est accueilli dans une communauté religieuse de Manduria, localité du diocèse d'Oria où se déroulent présentement les prétendues apparitions de la Vierge à la visionnaire Debora Moscioguri. Il n'y reste guère, et on le retrouve en 1975 en France, à Clémery, où il est « ordonné prêtre » par les sectateurs du pseudo-pape Clément XV. Rentré en Italie, le faux prêtre s'inscrit à Ravenne (où il n'est pas connu) dans le tiers-ordre franciscain et porte dès lors la bure séraphique. Puis il revient à Surbo et, sous le nom de frà Pietro, reprend sa carrière de visionnaire. Mal accueilli par la population locale, il va s'établir près de Bitonto où il érige dans la propriété agricole d'un couple d'adeptes un oratoire de la Madone de la Cave. Les apparitions alléguées y attirent le 23 de chaque mois quelques centaines de fidèles. Chiriatti célèbre la messe, joue au thaumaturge en imposant les mains, présente chaque Vendredi Saint des stigmates aux mains, aux pieds et au côté (il les fait à l'aide d'une lame de rasoir). En 1980, il est accusé de pédophilie, mais l'affaire se termine par un non-lieu.

L'escalade dans la mystique dévoyée se poursuit. S'habillant désormais tantôt entièrement de blanc, comme le pape, tantôt en franciscain, il fonde une communauté de Fils de la Charité, se met à ordonner des prêtres, et même à consacrer un évêque. Le 30 mai 1984, Mgr Domenico Padovano, évêque auxiliaire de Bari et Bitonto, publie une rigoureuse note de mise en garde contre le personnage et ses agissements :


Des témoignages recueillis, il résulte qu'il convoque les fidèles dans une église Madone de la Cave construite sur un domaine agricole adjacent à la route Bitonto-Terzilli, où il simule la célébration eucharistique et confère de façon invalide les sacrements, spéculant ainsi sur la bonne foi des personnes les plus simples et les plus démunies. Il a plus d'une fois tenté de célébrer la messe et d'administrer les sacrements dans des églises paroissiales et des sanctuaires.

Lui et ses collaborateurs ont été invités de nombreuses fois à renoncer à leurs égarements et à réintégrer, en bons chrétiens, la communion ecclésiale. Ils s'y sont toujours refusés. Aussi, tous les moyens ayant été épuisés, et bien que le faisant avec douleur, nous avons le devoir de faire savoir que monsieur Angelo Chiriatti agit à titre personnel, sans aucun rapport avec l'évêque non plus qu'avec l'Eglise.


Le mouvement s'est mué en une secte, dont les membres sont excommuniés. Angelo Chiriatti a connu de nouveaux ennuis : en octobre 1999, il a été inculpé par le procureur de Bari de violences sexuelles sur mineurs. Une perquisition à son domicile a entraîné la découverte de nombreuses revues et photos pornographiques. A l'heure actuelle, l'ex-visionnaire médite en prison les épisodes de sa lamentable existence.


Le cas de Roberto Casarin est comparable au précédent. Né à Turin en 1963, Casarin a présenté dès l'adolescence d'étranges manifestations tels les stigmates, la bilocation, la lévitation. Il a été suivi et contrôlé à partir de 1979 par le docteur Pietro Zeglio, de l'Université de Turin, qui s'est porté garant de l'authenticité des phénomènes dont il était témoin, ainsi que diverses personnes 56. Le nouveau Padre Pio - comme l'appelaient visiteurs et pèlerins - bénéficia durant plusieurs années d'une flatteuse réputation de voyant et thaumaturge, mais l'autorité ecclésiastique n'en observa pas moins une grande réserve à son encontre, interdisant notamment la tenue des groupes de prière que le jeune homme animait chaque samedi en présence de centaines de fidèles.

Les faits semblent avoir eu quelque consistance, les réunions de prière se déroulaient dans une atmosphère de simplicité et de recueillement assez rare en pareilles circonstances pour mériter d'être soulignée, mais le visionnaire s'écarta insensiblement de l'Eglise, jusqu'à la rupture définitive et la constitution d'une secte. En 1984, il constitua l'association Christ dans l'homme, qui comptait plus de 2.000 membres. L'archevêque de Turin publia une note de mise en garde contre le mouvement. En 1989, Casarin et ses plus proches collaborateurs, qui s'étaient réunis en une communauté de vie aux moeurs très libres appelée Engagement, fondèrent l'Eglise de la Nouvelle Jérusalem, ce qui leur valut d'être excommuniés. Enfin, depuis 1996, la rupture définitive avec l'Eglise catholique - dont se réclamaient jusque-là Casarin et ses adeptes - fut consommée par la création de l'Eglise Âme Universelle, qui allie dans une vision syncrétiste une partie de l'héritage chrétien, divers apports de l'hindouisme et du bouddhisme, et même des éléments ésotériques. Roberto Casarin, appelé Swâmi par ses adeptes, en est le grand maître vénéré à l'instar d'un dieu par quelques milliers de fidèles recrutés en Italie et surtout en Amérique latine.


* Au Chili, le visionnaire Miguel Angel Poblet n'a pas su transformer l'essai. Cet orphelin, qui dès l'âge de quinze ans se prostituait dans le parc de la colline de Peñablanca, dans la banlieue de Villa Alemana (Chili), fit état en 1983 d'apparitions de la Vierge. Des manifestations spectaculaires semblaient être autant de signes de l'authenticité de ses assertions : sueurs de sang lorsqu'il disait revivre la Passion du Christ, phénomènes de lévitation attestés par plusieurs personnes, et même un miracle du soleil analogue à celui de Fàtima, le 29 septembre 1983. L'adolescent - alors âgé de dix-sept ans - affirmait s'être converti, et il délivrait des messages à forte teneur eschatologique qui, sous prétexte de la conversion de la Russie, apportaient un discret appui au régime du général Pinochet. Mais en 1989, le père Anselmo Vasquez, o.s.m., qui étudiait le cas, écrivait de lui :


Le voyant se nomme Miguel et a quelque 23 ans. A ce que j'en sais, il est homosexuel, peut-être se drogue-t-il [...] Je l'ai vu plusieurs fois, et une fois il s'est confessé à moi. J'habite à quelque 2000 km du lieu des apparitions, je m'y rendais quand je le pouvais. Cette année, j'en ai parlé au curé de la paroisse, qui m'a rapporté des informations négatives : le garçon n'effectue pas un chemin de conversion. Bien qu'il appartienne à une famille (adoptive) modeste, il roule en voiture et est allé passer quelques mois aux Etats-Unis 57.


Ayant trouvé un riche protecteur américain, le garçon a renoncé à son rôle de visionnaire pour s'adonner à des activités plus lucratives :


Après une enquête minutieuse, l'autorité ecclésiastique a déclaré privées de tout caractère d'authenticité les prétendues apparitions. Actuellement, la présence de « fidèles » de la région est pratiquement nulle sur les lieux, seuls quelques « pèlerins » étrangers y viennent et repartent désillusionnés dès qu'ils ont appris qu'il s'agit d'une supercherie. Le visionnaire présumé s'est soumis à une opération pour changer de sexe, et il se livre à présent à d'autres activités 58.


Dans ces derniers cas, la frontière est singulièrement difficile à établir entre de possibles manifestations d'origine surnaturelle qui auraient dévié, et une phénoménologie relevant plutôt de la parapsychologie, quand elle n'est pas le résultat d'une supercherie. Plusieurs témoignages relatifs aux lévitations de Chiriatti, mais surtout de Casarin et de Poblet, ne sauraient être écartés d'un simple revers de la main, et il n'est pas interdit de se poser la question d'interventions d'ordre préternaturel diabolique.


Des lévitations diaboliques ?

Il existe, dans certains cas de possession diabolique, des phénomènes de lévitation parfois spectaculaires : cet artifice démoniaque a été évoqué par Olivier Leroy. Certes, il n'est pas question d'évoquer systématiquement une action immédiate de Satan pour expliquer les malheurs ou le mal-être de personnes convaincues d'être victimes des forces du mal, car la nature humaine recèle en ses secrets replis suffisamment de failles et de fragilités pour s'adonner aux pires péchés et en subir les effets sans que Satan soit tenu d'intervenir directement. Mais aucun théologien sérieux non plus qu'aucun croyant convaincu ne niera a priori la possibilité d'interventions diaboliques extraordinaires dans le vécu de certaines personnes. Qui prétendra que les manifestations infernales allant jusqu'aux sévices corporels (coups, griffures, blessures, brûlures) causés de l'extérieur, dont les marques apparaissaient spontanément et visiblement sur leurs victimes - le saint Curé d'Ars, les bienheureux Jean Calabria et Padre Pio, la Mère Yvonne-Aimée de Jésus - ne relèvent que de l'imagination, du pouvoir de l'autosuggestion, si ce n'est de tendances névrotiques ? Au contraire, certains comportements et prodiges allégués dans le cadre de prétendues mariophanies contemporaines, et dont la matérialité a pu être établie, seraient susceptibles de trouver un début d'explication dès lors que l'on oserait en aborder l'étude du point de vue démonologique également.

Si l'on a mis en évidence que jadis de présumées épidémies de possession démoniaque ne furent en réalité que la conséquence d'empoisonnements par l'ergot du seigle ou d'autres substances toxiques, si l'on s'est efforcé naguère encore d'expliquer que d'autres cas relevaient de la seule psychiatrie (les grandes affaires démonopathiques du XVII° siècle, comme celle des ursulines de Loudun), l'existence de véritables possessions diaboliques est indubitable. Elle est attestée déjà dans l'Evangile par Jésus lui-même. Parmi les critères de discernement de des esprits, l'existence d'authentiques lévitations est un des plus probants, car il est impossible de simuler ou de contrefaire le prodige. Il n'est pas mentionné en termes explicites dans les rituels, qui évoquent simplement le déploiement de forces dépassant les capacités de la nature. Or l'Eglise a toujours attribué à la lévitation une cause au moins préternaturelle (angélique ou diabolique), si ce n'est divine.




Au XIX° siècle, une pauvre lingère habitant dans le Loiret avait la réputation auprès de ses concitoyens d'être empicassée, c'est-à-dire ensorcelée, victime du diable. Elle se nommait Hélène Poirier et mourut en 1914, âgée de quatre-vingt ans, au terme d'une existence littéralement infernale assumée dans une perspective d'offrande à la volonté de Dieu. Parmi les prodiges signalant à son entourage l'action diabolique, les lévitations furent parmi les plus spectaculaires. C'étaient surtout de violentes projections à une distance notable, caricature des vols extatiques ou rapts des mystiques :


Maintes fois, nous l'avons vue lancée à distance contre les portes de l'église. Des ouvriers qui, en 1864, travaillaient à la restauration du choeur, en furent témoins 59.


Il arrivait qu'elle fût élevée au-dessus du sol :


Dans l'après-midi, elle conférait chez elle avec son directeur. Devant lui et avant qu'il ait pu la retenir, elle fut soulevée de sur sa chaise et précipitée sur le carreau 60.


Sa biographie mentionne également des enlèvements dans les airs, mais il n'y eut pas de témoin direct de ce phénomène, dont l'entourage de la pauvre femme ne voyait que le résultat : on la retrouvait à de très grandes distances de son village, égarée dans la campagne et sous le choc. Le dossier de ce cas serait à reprendre de fond en comble, dans le cadre d'une étude critique des documents et des faits.

Les lévitations des petits possédés d'Illfurth, en Alsace (1864-1869), sont mieux attestées :


Soudain [...], on vit le fauteuil avec l'enfant s'élever dans les airs, en dépit des efforts de trois forts gaillards qui se cramponnaient à lui pour le retenir 61.


A Natal, en Afrique du Sud, la possédée Claire-Germaine Cèle, âgée de 17 ans, fut exorcisée en 1907 :


Elle s'envola à deux mètres de hauteur et de là [...] cria à l'évêque stupéfait : « Eh bien, évêque, qu'as-tu à me regarder tout ébahi ? Imite-moi donc ! » Et dans le même temps elle faisait entendre un rire strident qui glaçait le sang des spectateurs62.


En 1924-25 ,une véritable épidémie de possession diabolique troubla durant plusieurs mois le couvent des Amantes de la Croix de Phat Diêm, au Vietnam. Des manifestations spectaculaires furent attestée par de nombreuses personnes :


Plusieurs postulantes ou novices étaient secouées ou même soulevées au-dessus de leur natte [...] La maîtresse des novices et ses deux assistantes m'assurèrent qu'elles en avaient vu sauter sans le moindre effort jusqu'à la cime d'aréquiers hauts de huit à dix mètres [...] Une postulante se lança une fois sur un petit arbre et s'étendit de tout son long sur une branche à peine aussi longue qu'elle et qui ne mesurait pas plus de 3 cm d'épaisseur. Evidemment, cette branche aurait dû céder tout de suite  postulante resta longtemps dans cette position63.


Dans ces cas de possession diabolique, comme dans d'autres plus récents qu'il n'y a pas lieu de révéler, eu égard au respect dû aux personnes, divers prodiges accompagnent la lévitation, caricaturant les authentiques phénomènes de la vie mystique. En juillet 1971, j'ai été témoin d'un exorcisme effectué dans une chapelle rurale proche de San Damiano, le hameau italien qui s'illustra dans le dernier tiers du XX° siècle par de prétendues apparitions de la Madone. Au cours de la cérémonie, les assistants - une dizaine de personnes - virent avec ahurissement une lévitation de la possédée : c'était une bonne grosse mamma italienne qui fut soulevée à quelque 40 cm au-dessus du dallage et qui, après avoir oscillé en l'air pendant plusieurs secondes, fut projetée comme une torpille contre le maître-autel, le heurtant violemment de la tête sans se faire le moindre mal.


Dans les dernières années du siècle passé, de multiples cas de prétendue possession diabolique ont été allégués par des exorcistes. Des revues apparitionnistes dénuées de tout sens critique ont fourni une tribune médiatique à plusieurs d'entre eux, dont le plus prisé fut longtemps Mgr Milingo, ancien archevêque de Lusaka, en Zambie. Discrètement destitué de sa charge en 1983 à cause des entours peu clair des messes de délivrance auxquelles il s'adonnait, il n'en était pas moins porté aux nues par les propagandistes du merveilleux catholique contemporain, jusqu'au jour où il infligea à leur discernement un cinglant camouflet, en convolant le 27 mai 2001 avec une adepte de la secte Moon. Ce regain d'intérêt et de curiosité malsaine pour le diabolisme dans certains milieux chrétiens va de pair avec la fascination qu'exerce le satanisme sur une jeunesse qui a perdu tout repère - le spiritisme est couramment pratiqué dans certains établissements scolaires, les jeux de rôles ont débouché parfois sur des profanations de tombes, voire des crimes rituels -, et sur une intelligentsia blasée, revenue de tout, qui se cherche constamment de nouvelles sensations à la faveur d'expériences. Même dans les sphères les plus raisonnables du peuple de Dieu, on est loin désormais du temps où les chercheurs péchaient par un excès de rationalisme :


Il est à souhaiter que la littérature hagiographique, sans tomber dans une recherche niaise du merveilleux, et surtout dans l'affirmation théologique du miracle proprement dit, cesse d'élaguer aussi librement les données de l'histoire 64.


A la même époque - dans la première moitié du XX° siècle -, le professeur Jean Lhermitte, membre de l'Académie Nationale de Médecine et spécialiste des phénomènes paranormaux, se gardait d'aborder trop ouvertement la question du préternaturel diabolique dans ses publications sur la phénoménologie mystique. Aujourd'hui, des théologiens et des médecins de renom n'hési-tent pas à mettre en jeu leur réputation en cautionnant sans aucun recul les extravagances de prétendus visionnaires, stigmatisés et possédés du diable. Il serait temps de retrouver, dans ce domaine délicat, l'impartialité et un réel souci de critique objective susceptibles de faire pièce une fois pour toutes à l'esprit hypercritique qui a trop longtemps prévalu, mais aussi à l'engouement et à la crédulité qui, par une réaction bien compréhensible, lui a succédé après le concile Vatican II. Il conviendrait - même et surtout en ces matières qui a priori n'offrent guère de prise à la raison - de savoir raison garder.



Des lévitations sans connotation mystique

A titre d'anecdote, voici deux faits qui - s'ils étaient vérifiables - permettraient de mieux percevoir la différence entre les cas abordés dans le cadre de cette étude (la lévitation comme expression phénoménologique d'une expérience d'union à Dieu) et d'autres prodiges analogues exempts de toute connotation mystique.

Le premier événement se serait déroulé au début du XX° siècle en Afrique australe, si l'on doit en croire le magicien Kellar, qui le relata dans la North American Review :


Au Natal, je vis un sorcier provoquer la lévitation d'un jeune Zoulou en agitant une touffe d'herbe au-dessus de sa tête. C'était le soir [...] il prit une sorte de masse et la fixa à l'extrémité d'une courroie d'environ deux pieds de long. Un jeune indigène, grand et athlétique, dont les yeux étaient fixés avec une sorte d'appréhension sur ceux du sorcier, prit sont propre bâton à noeud et le fixa à l'extrémité d'une lanière de cuir semblable, également longue de deux pieds. Les deux hommes, se tenant à une distance d'environ six pieds l'un de l'autre, en plain éclairés par le feu et silencieux, se mirent à faire tournoyer leurs massues au-dessus de leurs têtes. Lorsque les deux massues paraissaient venir en contact, il se produisait une étincelle ou une flamme qui semblait passer de l'une à l'autre. A la troisième étincelle, il y eut une explosion, et la massue du jeune homme se brisa en morceaux  tomba sur le sol comme inaniméà


Dans ce rituel de magie guerrière, le phénomène est induit de l'extérieur :


Le maître-sorcier se tourna vers les hautes herbes à quelques pieds derrière nous, prit une poignée de chaumes longs d'environ trois pieds. Se tenant à l'ombre, à l'écart du feu, il fit tournoyer la poignée d'herbe rapidement, comme auparavant la massue, autour de la tête du jeune Zoulou qui était couché comme mort, éclairé par le feu. Quelques instants après, l'herbe parut devenir incandescente, bien que le sorcier se tînt à plus de vingt pieds du feu, et elle se mit à brûler lentement, avec une crépitation très nette. Approchant davantage du corps de l'indigène entrancé, il fit passer doucement l'herbe enflammée devant sa figure, à une distance d'environ un pied. A ma profonde stupéfaction, le corps étendu sur le sol s'en détacha lentement, s'éleva et flotta dans l'air à une hauteur d'environ trois pieds  passes faites avec l'herbe étaient plus lentes ou plus rapides. Lorsque toute l'herbe fut brûlée et tomba sur le sol, le corps à son tour retomba. Il suffit alors de quelques passes faites par le sorcier avec les mains pour que le jeune Zoulou se redressât surs ses pieds sans avoir l'air d'avoir souffert quoi que ce soit de l'expérience à laquelle il avait été soumis 65.


L'autre exemple, relatif au rebouteur berrichon Louis-Jean, remonte à la même époque et survient aussi dans un contexte de magie  précisément il s'inscrit dans un rituel de sorcellerie campagnarde au cours duquel le sujet parvient à se mettre lui-même en transe :


Louis-Jean ferma sa porte, tira de sa poche un instrument brillant dont je n'ai pu définir la nature, le fixa un instant  là, devant moi, en pleine lumière, sans que la moindre supercherie fût possible, je vis « le sorcier » quitter peu à peu le sol, s'élever à une dizaine de centimètres et se diriger ainsi vers son lit, dans un état d'immobilité complète. Son corps, arrivant en contact avec son lit, mit fin à cet extraordinaire phénomène. Louis-Jean parut se réveiller, et devant moi, stupéfait, je vous l'avoue, il se plongea dans les draps 66.


Ces récits pèchent sur deux points : chacun repose sur un témoignage unique - or, testis unus, testis nullus -, et il s'agit de relations de seconde main. Leur intérêt réside dans la similitude des éléments exposés : la mise en condition du sujet par un agent extérieur ou par lui-même, et à l'aide d'un objet matériel - une touffe d'herbe incandescente, un objet brillant - grâce auquel la flamme, ou du moins la lumière, semble jouer un rôle déterminant  hypnotique au cours de laquelle se produit la lévitation, qui est induite volontairement.


Ces manifestations - si l'on admet que les témoins relatent des faits véridiques - sont tout à fait différentes, dans leur causalité et leur signification, des lévitations que l'on rencontre chez les mystiques. Il se rapproche des lévitations de médiums tels Stanton Moses, Daniel Douglas Home ou Eusapia Palladino, dont Hélène Renard a su opportunément souligner combien ils sont radicalement opposés au phénomène que connaît et assume la mystique chrétienne 67.


Prodiges de célérité et marches extatiques

Des marches extatiques sont signalées parmi les divers prodiges qui auraient marqué dans leurs débuts les apparitions alléguées de la Vierge Marie à Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine :


Ils [les visionnaires] gravissent la colline en courant, « comme s'ils avaient des ailes, sans penser aux pierres dures et coupantes ni aux ronces. Vicka est pieds nus. En cinq minutes,



ils sont en haut, ce qui eût demandé normalement vingt bonnes minutes 68.


Le phénomène se serait produit le deuxième jour des apparitions, le 25 juin 1981. L'une des visionnaires l'a relaté avec force détails :


Vicka poursuit : « La Vierge nous a appelés à la rejoindre, ce que nous fîmes. Quand depuis le bas on regarde le haut de la colline, cela paraît proche, mais ce n'est pas le cas. Nous courions très rapidement. Ce n'était pas comme marcher sur le sol. Nous ne cherchions pas le sentier. Simplement nous courions dans la direction où elle se trouvait. En cinq minutes, nous fûmes sur la colline. C'était comme si nous étions attirés dans les aires. J'avais peur. J'étais aussi pieds nus, mais aucune épine ne me blessa. Rien ».

Ceux qui virent les enfants témoignent de la véracité de leur parole. Ils étaient étonnés de leur vitesse et étaient incapables de les suivre au sommet de la colline 69.


Ces citations illustrent un cas parmi d'autres des courses extatiques prétendument extraordinaires dont les visionnaires de Medjugorje furent les protagonistes. Il eût fallu soumettre d'entrée de jeu le prodige allégué à une rigoureuse investigation quant à ses circonstances et son déroulement, procéder à une contre-épreuve, recueillir sous serment les témoignages des personnes alors présentes sur les lieux, etc., ce qui n'a jamais été fait. De plus, ce que nous savons de la personnalité de Vicka - elle a été surprise plus d'une fois en flagrant délit d'affabulation et de mensonge -, et du manque d'esprit critique des panégyristes de ces « apparitions », laisse planer de sérieux doutes sur la réalité de l'événement. Enfin, il convient de prendre en compte la part d'exagération, même involontaire, de personnes de bonne foi qui croient servir la cause en en rajoutant : une surenchère habilement médiatisée venant étayer le surnaturel supposé. Les marches extatiques des visionnaires de Medjugorje semblent bien n'être qu'un plagiat de la célérité manifestée par les voyantes de Garabandal dans leurs extases :


Elles ne volaient pas, comme le dirent parfois des personnes qui voyaient les choses de loin et dans l'obscurité  ne volaient pas, j'ai pu le vérifier très bien. Leurs pieds s'appuyaient sur le sol, mais d'une façon que je ne puis décrireà Regardant toujours vers le ciel, elles ne trébuchaient jamais, ne glissaient pas. Elles ne heurtaient aucune pierre, et, attention ! ce ne sont pas les pierres qui manquent par ces ruelles et chemins de Garabandal ! Surtout alors, parce que par la suite, les gens ont peu à peu enlevé les plus dangereuses  enlevé pas mal au cours de mes voyages 70.


Des faits de ce genre présentent de réelles analogies avec le phénomène de la lévitation, et ils peuvent être qualifiés sans hardiesse d'extraordinaires. L'un des cas les plus spectaculaires est celui d'Auguste Arnaud, un cultivateur de Saint-Bauzille de la Sylve, dans l'Hérault. Il eut en 1873 deux apparitions de la Vierge. Lorsque, le 8 juillet, la Mère de Dieu se manifesta pour la dernière fois,


... tout à coup marchant sur le côté gauche [...] il est emporté avec une rapidité effrayante vers la Croix 71.



La rapidité effrayante de cette marche extatique du voyant sur les quarante mètres de vignoble qui le séparaient de la croix impressionna vivement les témoins. Quatorze d'entre eux déposèrent devant la commission diocésaine d'enquête, indiquant comment le voyant s'était déplacé de biais à travers les pieds de vigne, le visage pâli soudain et les yeux grand ouverts levés vers le ciel :


« Il semblait nager » : c'est l'image à laquelle certains ont recours pour caractériser cette course tout unie, sans soubresauts, sans agitation, où le corps paraissait être porté beaucoup plus qu'avancer par ses propres moyens 72.


La conjonction de l'état extatique et du caractère naturellement inexplicable de cette course rapide a frappé à ce point les imaginations que, par la suite, on a quelque peu brodé sur la réalité :


On a dit quelquefois qu'il volait et qu'il se déplaçait au-dessus du feuillage, mais c'est là pure imagination. Le déplacement a eu lieu au ras du sol, sans qu'il soit possible cependant de dire si les pieds touchaient terre. Arsène Boudes interrogé sur ce point a répondu qu'il le croyait, sans pouvoir absolument l'affirmer 73.


Il suffit de s'en tenir aux faits, déjà assez inexplicables en eux-mêmes :


Un homme quelconque, essayant de parcourir le même chemin en regardant en l'air à travers les sarments si entrelacés à cette époque de l'année, n'aurait pas pu faire trois pas sans tomber ou sans embarrasser ses pieds dans la vigne 74.


De telles marches extatiques s'apparentant à la lévitation ne sont pas le fait des seuls protagonistes d'apparitions mtahomaes. Catherine-Aurélie Caouette (1833-1905), fondatrice au Canada des Adoratrices du Précieux-Sang, avait à peine sept ans quand débutèrent chez elle des phénomènes qui remplissaient ses proches d'étonnement :


Un jour, sa mère l'envoya chercher un objet dans une chambre haute. Comme l'enfant cherchait en vain, la mère vint au bas de l'escalier lui disant où elle le trouverait, et de s'empresser de le lui apporter. Mais, quelle n'est pas la surprise de la mère de voir Aurélie tenant à deux mains ledit objet, mettre ses deux pieds, l'un après l'autre, dans le vide, c'est-à-dire à trois ou quatre pouces des marches, et descendre ainsi, comme une étoile filante. La chose paraissait toute naturelle à Aurélie  sa mère lui demandant si elle n'avait pas peur : « Non, maman, j'ai déjà descendu l'escalier comme ça » - « Depuis quand, reprit la mère ? » - « Depuis que je l'ai monté en disant : Je vous salue Marie, à chaque marche. » La mère l'observant plus attentivement, la vit plusieurs fois monter et descendre ainsi cet escalier 75.


Des faits du même ordre s'étant produits plus tard en présence de divers témoins, il est permis de ne pas mettre en doute le récit de la mère. Plus tard, Aurélie connut de véritables lévitations :



M. Resther, prêtre curé, la verra tertiaire de Saint-Dominique, s'élever à plusieurs pieds de terre, pour orner une statue de la Sainte Vierge placée au-dessus du grand autel dans l'église du Saint-Rosaire 76.


Le même prodige se retrouve chez Maria Tarallo, une religieuse italienne stigmatisée, morte en renom de sainteté :


J'étais encore novice quand la Mère supérieure, dans les derniers jours où soeur maria della Passione descendait au choeur pour recevoir la sainte communion, m'ordonna de l'accompagner, parce que la servante de Dieu devait immédiatement retourner au lit. Eh bien, à peine fûmes-nous sorties ensemble du choeur, j'observai que la Servante de Dieu, bien qu'elle fût alors en proie à de grandes souffrances, monta l'escalier en un instant, comme si elle volait  je fus incapable de la suivre, car vraiment il m'a semblé qu'elle ne touchait pas terre, mais que réellement elle volait au-dessus des marches conduisant à sa cellule 77.


D'autres religieuses furent témoins de cette célérité d'autant plus étonnante que la soeur était très affaiblie par les infirmités qui allaient la mener à la mort. Plus proche de nous, Edvige Carboni - la femme volante qui impressionnait tellement les fillettes de la paroisse - présente le même phénomène de marche au-dessus du sol :


Edvige était là et, m'ayant écoutée avec cette charité du Christ qui la distinguait, elle déposa [le statuette de] l'Enfant-Jésus sur un fauteuil, me laissant seule dans la salle à manger. Pendant qu'elle s'éloignait, je notai qu'elle ne posait pas les pieds par terre, il me semble la voir encore 78


Le cas le plus stupéfiant est sans conteste celui de la Vénérable Maria-Giuseppina Catanea (1894-1948), carmélite napolitaine :


Soeur Maria Giuseppina est dans sa cellule avec une consoeur  voici que, d'un coup, elle s'agenouille et se met en prière. Toute l'attitude de sa personne en oraison paraît plus recueillie que de coutume, elle a quelque chose de particulier. Au bout d'un instant, elle se soulève du sol, toujours agenouillée, et sort de la celluleà en volant ! Les bras ouverts, le regard levé vers le ciel et le visage radieux, la soeur parcourt avec vélocité les longs couloirs, sans poser les pieds sur le pavement. Le Christ la visite. Les obstacles n'existent plus pour cette singulière amante du Christ, qui les évite, guidée par une main invisible. Les soeurs, pourtant averties de tels phénomènes, ne peuvent s'habituer à la voir dévaler ainsi le grand escalier, elles craignent qu'elle ne tombe et se fasse mal... mais le vol se poursuit sans incident. La carmélite ne se rend compte de rien. Une aspirante à la vie religieuse, jeune fille de dix-neuf ans, prétend dans l'ingénuité de son âge, la rejoindre en courant : illusion ! Ses jeunes jambes ne peuvent rivaliser avec une telle vitesse. Les heures passent, et la marche extatique se poursuit. Avec une simplicité paradoxale, comme si soeur Maria Giuseppina avait besoin de lumière, les religieuses disposent des lampes en hauteur, sur le rebord des fenêtres, pour éclairer le trajet, et elles attendent... Enfin, le vol se fait moins rapide, la carmélite abaisse les bras et retourne dans sa cellule. Elle voit et entend à présent celles qui se pressent autour d'elle 79.


On est tenté de se frotter les yeux ! L'incident eut lieu en 1924, il n'était pas le premier ni ne fut le dernier. Les vols extatiques débutèrent à l'improviste le 26 juin 1923, accompagnés d'une sorte de souffle, un vent qui semblait envelopper et soulever la religieuse. Le prodige se répéta des dizaines de fois et eut de multiples témoins, parfois étrangers au monastère, qui alors manquaient de se trouver mal, tant était grand leur saisissement. Bien que la soeur souffrît à partir de 1942 d'une sclérose en plaque qui l'immobilisait sur un fauteuil roulant, le phénomène n'en fut d'aucune façon entravé, il se fit simplement moins fréquent :


[le 28 juillet 1943] soeur Maria Giuseppina sui la communauté qui déambule dans le cloître. Un peu courbée à cause de vives douleurs à la colonne vertébrale, elle est soutenue par une autre religieuse. A la fin, elle bénit avec la statue [de saint François-Xavier] la remise et le jardin, puis tend l'objet à une soeur  moment où elle baise la main du saint, le vent la ravit soudain et, alors que peu auparavant elle était incapable de marcher sans appui, la voici qui, les bras ouverts, effleure le sol sans bouger les pieds et, le visage transfiguré, parcourt plusieurs fois en volant les allées du jardin 80.



Ces vols extatiques fréquents se produisaient surtout lors des processions en l'honneur du Saint-Sacrement. Comme dans les autres exemples, le prodige est perçu par les témoins comme un signe d'élection divine, car il survient inévitablement dans un contexte de grande ferveur : l'extase mtahomae d'Auguste Arnaud, la prière d'enfant d'Aurélie Caouette, la dévotion à l'Enfant-Jésus d'Edvige Carboni, la piété eucharistique des moniales italiennes.



A la recherche d'une explication

Si la lévitation est un phénomène réel, comme le démontrent les exemples précédents, force est d'admettre comme postulat qu'elle est contraire aux lois naturelles :


Il n'est pas possible, suivant les lois naturelles, qu'un corps soit soulevé de terre de soi-même 81.


L'auteur, qui fait autorité en matière de discernement des esprits, tient la lévitation pour un don gratuit signifiant « une participation anticipée et miraculeuse du corps dès ici-bas à l'agilité des corps glorieux » (ibid.). Mais il n'a point étudié les modalités du prodige, défini sous le seul angle de sa signification : une emprise spectaculaire du divin sur la nature, dont la portée charismatique vise à l'édification du Corps mystique par la sanctification de ses membres : celui qui en est l'objet et ceux qui en sont les témoins, dès lors qu'ils sont pénétrés d'amour et de crainte respectueuse devant les mirabilia Dei.



Dans le plus grand nombre des cas, il semble que le phénomène consiste en une puissante attraction du sujet vers le haut - un rapt physique, parfois assez violent -, plutôt qu'en une soudaine légèreté du corps. Mais Hélène Renard écrit :


La lévitation induit une sorte d'allègement du corps, si bien que le mystique se trouve léger comme une plume [...] Cette extrême légèreté du corps, comme s'il ne pesait plus rien, comme si le poids s'était en un instant modifié, est attestée pour plusieurs mystiques 82.


Il est malaisé de savoir ce que ressentent les sujets car, le plus souvent inconscients du phénomène, ils n'ont guère formulé leurs impressions, à de rares exceptions près. Peut-être certaines formes du prodige autorisent-elles l'observateur à conclure en une combinaison entre la modification de la densité du corps, devenu plus léger, et l'attraction extérieure vers le haut. L'exemple le plus connu de cette légèreté corporelle est celui de la moniale conceptioniste espagnole Maria de Agreda (1602-1665), célèbre pour ses révélations sur la vie de la Vierge, mais aussi constamment citée pour illustrer la lévitation. Elle était élevée à l'horizontale au-dessus du sol et, telle une plume ou une bulle de savon, elle oscillait au moindre courant d'air ou lorsqu'on soufflait sur elle, ce que ne se privaient pas de faire ses religieuses pour divertir et édifier les nombreux curieux qui venaient assister aux extases de leur supérieure. Les témoins en ont laissé des relations détaillées :


Les ravissements de la servante de Dieu étaient de la nature suivante. Le corps, entièrement privé de l'usage des sens, comme s'il était mort, ne manifestait aucune réaction lorsqu'on le touchait. Parfois, il était soulevé de terre aussi légèrement que s'il n'avait plus aucune consistance matérielle et, telle une plume, il pouvait être mû par un souffle, même à distance. Le visage était plus beau qu'à l'état normal. Toute son attitude était si modeste et recueillie que l'on eût dit un séraphin sous forme humaine. Souvent elle restait deux et même trois heures en cette extase 83.


Le même phénomène a été observé chez l'extatique italienne Domenica Barbagli (1812-1859), du tiers-ordre séculier des Servites de Marie, qui vécut grabataire durant trente-trois années à Monte San Savino, près d'Arezzo : après ses communions, elle s'élevait en extase au-dessus de son lit, et le moindre souffle la faisait osciller telle une plume suspendue en l'air à l'horizontale. Elle est évoquée par Thurston (op. cit., p. 148, note 3), qui la confond avec Domenica Lazzeri (1815-1848), une des célèbres stigmatisées du Tyrol au XIX° siècle. Il cite également la clarisse Beatriz Maria de Jesús Encise y Navarrete (1632-1702), de Grenade :



Le plus léger souffle d'air la faisait se balancer de côté et d'autre comme si elle était une plume ou la feuille d'un arbre. Si l'une des religieuses se levait de sa place et quittait la chapelle un peu vite, elle était entraînée comme un brin de paille par le courant d'air ainsi créé 84.


Peut-être les lévitations de la bienheureuse Mariam de Jésus Crucifié Baouardy (1846-1878) illustrent-elles encore mieux cette légèreté que prendrait momentanément le corps des extatiques. On connaît de cette attachante carmélite palestinienne, qui vécut plusieurs années en France, huit lévitations dûment attestées  entre le 22 juin 1873 et le 5 juillet 1874. Sans vouloir minimiser le moins du monde sa phénoménologie mystique, il convient de parler plutôt de semi-lévitations, dans la mesure où le soulèvement au-dessus du sol s'effectuait toujours à partir d'un appui, si ténu et dérisoire ce dernier eût-il été : Mariam lévitait pour aller, tel un oiseau, se poser au sommet des arbres. Le processus en a été très bien observé :


Elle avait saisi l'extrémité d'une petite branche qu'un oiseau aurait fait plier  elle avait été enlevée en haut 85.


Plus explicite, le père Buzy, premier biographe de la bienheureuse, décrit avec précision le prodige :


Soeur Marie s'élevait au sommet des arbres par l'extrémité des branches : elle mettait son scapulaire dans une main, saisissait de l'autre l'extrémité d'une petite branche, du côté des feuilles, et, en un clin d'oeil, glissait par l'extérieur de l'arbre jusqu'au sommet. Une fois montée, elle se tenait sur des branches trop faibles pour soutenir normalement une personne de son poids [...] au sommet d'un tilleul, assise à l'extrémité de la plus haute branche qui, normalement, n'aurait pas dû la soutenir. Sa figure était resplendissante. Je l'ai vue redescendre de l'arbre comme un oiseau, de branche en branche, avec beaucoup de légèreté et de modestie 86.



Dans ce cas précis, il semble que se soient associées une soudaine et extraordinaire légèreté objective du corps de l'extatique - pour que des rameaux en supportent le poids, celui-ci devait avoir été modifié - et une non moins étonnante vélocité et agilité. De toute façon, les deux phénomènes sont du même ordre que la lévitation stricto sensu.


Dès qu'elle avait repris conscience, Mariam ne se rappelait plus rien - elle se demanda un jour ce que faisait une de ses sandales au faîte d'un arbre, où elle était restée accrochée -, et elle eût été fort en peine de donner de l'événement une autre explication que celle qu'elle énonçait en extase : « L'Agneau m'a tendu les mains ».


Sans doute est-ce sainte Thérèse d'Avila qui, ayant expérimenté le phénomène, et surtout en ayant gardé conscience, a écrit à ce sujet les lignes les plus significatives :


Mon âme était enlevée et même ordinairement ma tête suivait ce transport sans qu'il y eût moyen de la retenir, quelquefois même le corps tout entier était emporté, lui aussi, et ne touchait plus terre [...] Lorsque je voulais résister au ravissement, il me semblait que des forces si puissantes, que je ne sais à quoi les comparer, me soulevaient par les pieds [...] J'avoue même que dans les débuts, j'étais saisie d'une frayeur très vive en voyant mon corps ainsi élevé de terre. Et bien que l'âme l'entraîne à sa suite avec la plus grande suavité, quand on ne résiste pas, elle ne perd pas cependant l'usage des sens. Pour moi du moins je le conservais assez pour comprendre que j'étais élevée de terre [...] Souvent, ce me semble, mon corps devenait si léger qu'il perdait toute sa pesanteur  à tel point que je ne sentais plus pour ainsi dire mes pieds toucher le sol 87.


Elle perçoit donc la lévitation comme l'effet conjugué - la résultante - d'une force qui, lui étant extérieure, la soulève en l'air, et d'une attraction intérieure de l'esprit qui, élevé vers le haut, entraîne le corps après lui  légèreté prodigieuse qu'acquerrait alors le corps. De ses lévitations, retenons le témoignage de sa compagne Anne de l'Incarnation :


Une autre fois, entre une et deux heures de l'après-midi, j'étais à la chapelle, attendant le tintement de la cloche, lorsque notre sainte Mère entra et s'agenouilla, peut-être durant sept ou huit minutes. Puis, sous mon regard, elle se souleva de terre à une hauteur d'environ une demi-aune, sans que ses pieds touchent le sol. A cette vue, je fus effrayée, d'autant plus qu'elle-même tremblait de toute sa personne. Je m'approchai doucement, mis mes mains sous ses pieds que je couvris de mes larmes pendant toute la durée de l'extase, qui se prolongea peut-être une demi-heure. Puis elle redescendit soudain sur terre, se releva et, tournant la tête vers moi, elle me demanda qui j'étais et si je me trouvais là depuis longtemps. Je lui répondis affirmativement. Alors, faisant appel au voeu d'obéissance, elle m'ordonna de ne rien dire de ce que j'avais vu. De fait, je n'en ai pas parlé jusqu'à ce jour 88.


La mystique dominicaine Maria Villani (1584-1670), de Naples, explique de la même façon le phénomène :


Une fois, alors que j'étais dans ma cellule, je me rendis compte d'une nouveauté. Je me sentis attirée et ravie avec une merveilleuse douceur, fort agréable. De même que l'aimant attire le fer, de même je me sentis soulevée entièrement sous la plante des pieds. Au début, j'en éprouvai une vive frayeur, mais ensuite je restai dans un état de béatitude et de joie des meilleures qui fussent. Bien que je fusse totalement hors de moi, je savais pourtant que j'étais soulevée à une certaine distance au-dessus du sol, le corps suspendu en l'air, et ce durant un temps notable. Cela m'est arrivé cinq fois, jusqu'à la vigile de Noël 1618 89.



Ces faits, relatés par la moniale à son confesseur, n'ont eu aucun témoin, aussi convient-il d'en accueillir le récit avec quelques réserves.


A une époque plus récente, l'institutrice anglaise Theresa Helena Higginson (1844-1905) - une mystique aussi intéressante qu'elle est contestée -, aurait eu des lévitations qu'elle commente dans ses lettres à son directeur spirituel :


Je vous ai déjà parlé de ce phénomène dont j'avais eu peur, mais cette fois je n'ai pas essayé de résister comme je le faisais auparavant, et je crois que cela a plu à Notre-Seigneurà Il m'a alors remplie d'ineffables délices, et pourtant je crois que je manquais vraiment de confiance, car j'ai été terrifiée en me trouvant soulevée de terre comme je vous l'ai dit. Je veux dire qu'au début je me rendis compte que je quittais le sol et j'ai été profondément humiliée en sentant sa puissance. Il a semblé allumer en moi une flamme d'amour paraissant consumer tout ce qui n'était pas pour Lui. Puis on eût dit qu'Il m'attirait complètement en Lui 90.


Elle insiste sur la conscience initiale qu'elle a du phénomène :


Notre-Seigneur m'a pour ainsi dire surprise en m'attirant en Lui comme un petit morceau de papier enlevé en l'air par un grand vent. Ainsi par moments Il m'élève, attirant ma pauvre âme dans son Essence même, tout comme une goutte d'eau se mélange et se perd dans les grandes eaux de l'océan, et le corps aussi est soulevé, ce dont je me rends compte. J'appréhendais cela immensément, mais je vois maintenant très clairement que c'est folie d'essayer de résister 91.


Elle note également l'impression de frayeur qui, chez elle, accompagne toujours la prise de conscience du phénomène :


Aujourd'hui, il a plu à Notre-Seigneur de m'accorder de ces grandes faveurs dont j'ai déjà parlé [...] et Il m'a remplie d'un tel amour et désir de Lui que mon corps a été élevé en l'air. J'ai pu m'en rendre compte : quoique je n'aie pas essayé de résister, j'éprouve pourtant toujours une peur indicible en ces occasions-là 92.


Ces textes nous renseignent sur les sensations qu'éprouve l'extatique davantage que sur les modalités du phénomène. Ils présentent plusieurs points de ressemblance avec ce qu'écrit sainte Thérèse d'Avila, ce qui est compréhensible quand on sait que Theresa Helena avait lu les oeuvres de la grande mystique espagnole, mais qui ôte quelque intérêt à ses relations. Cependant, Theresa Helena était une femme d'une totale sincérité et d'une réelle humilité. Assurément, elle a eu la conviction d'expérimenter ce qu'elle décrit, avec répugnance, d'ailleurs, car elle n'aimait pas parler de ces choses. Et surtout, il semble bien qu'il y ait eu des témoins de ses lévitations :


Tout à coup, elle s'élança, et je suis sûre qu'elle ne touchait plus le lit, car je m'élançai aussi pour la tirer vers le bas. Pendant quelques moments, elle conversa avec son Visiteur céleste 93.


Cette lévitation, la première peut-être, aurait eu lieu en 1874, au cours d'une extase où Theresa Helena recevait l'impression de la couronne d'épines. Les faits se seraient répétés ensuite, alors que débutait la période des fiançailles mystiques : longues années de purifications intérieures et d'extases fréquentes qui, succédant à la stigmatisation, préparèrent la jeune femme à la grâce du mariage mystique, le 24 octobre 1887. L'autre témoignage, se rapportant aux années 1891-1892, est de seconde main :


Presque jamais il [le chanoine Musseley] ne parlait de Thérésa  il avait cependant pour elle une profonde vénération, et il a confié aux religieuses de la Présentation qu'un jour, passant devant sa chambre, il la vit, soulevée de terre, ravie en extase, recevant sur ses lèvres la Sainte Hostie 94.


Theresa Helena a également noté les effets du phénomène sur son corps :


Notre-Seigneur retire aussi toute la force du corps et je suis restée très faible, à peine moi-même, pendant deux jours entiers 95


Et encore :


Quant au corps, il demeurait froid et raide, incapable de se mouvoir ensuite, pendant très longtemps 96.


Les effets corporels de la lévitation sont, dans ce cas précis, tout à fait différents de ceux qu'éprouvait sainte Thérèse d'Avila et, plus récemment, l'ursuline Lucia Mangano (1895), une remarquable mystique du XX° siècle :



Je sens un je ne sais quoi qui me rend légère, légère, d'une légèreté qui me fait vivre comme spiritualisée, soulevée de la terre dans une atmosphère surnaturelle, et ainsi je me tiens constamment auprès de Jésus, avec une grande facilité, le regard toujours fixé en lui  j'adore, j'aime, je souffre. Cette légèreté de l'âme se répercute aussi dans le corps  m'arrive si souvent d'être à ce point fatiguée et affaiblie, qu'il me semble que je ne pourrai me lever et me tenir debout  je bouge et marche avec facilité, sans sentir le poids du corps. Il me semble être comme un morceau de bois enflammé qui se consume et devient toujours plus léger. J'éprouve alors une grande suavité et connais une paix toujours plus grande, car je sens que quand ce bois sera entièrement consumé, j'irai au ciel 97.


Il ne semble pas que Lucia Mangano ait eu des lévitations, car il n'existe aucun témoignage à ce sujet. Mais son expérience est intéressante, car elle rejoint ce qu'écrivaient autrefois sainte Thérèse d'Avila et Maria Villani à propos de la légèreté qu'elles éprouvaient en leurs extases ascensionnelles :


Allant à la chapelle ou à l'église, je me suis trouvée légère comme une plume et sans noter la moindre fatigue  mes pieds, tant je me sentais légère 98.


En fait, les mystiques sujets à lévitations étant presque toujours inconscients du phénomène, et le plus souvent trop absorbés dans l'extase pour analyser ce qui leur arrive - sainte Thérèse d'Avila et quelques autres sont à cet égard des exceptions -, et il est malaisé de percevoir comment le phénomène est perçu par ceux qui l'expérimentent. Sans doute le spécialiste de la phénoménologie mystique que fut le jésuite Auguste Poulain n'en a-t-il pas saisi toutes les nuances, lorsqu'il écrivait :


Le corps est dans les conditions analogues à celles d'un ballon qui monte, prend sa position d'équilibre et oscille. Il n'y a rien de détruit, mais quelque chose d'ajouté, à savoir une force égale et en sens contraire à la pesanteur 99.




C'est lapidaire.

Les considérations sur la légèreté qu'acquerrait le corps des extatiques dans certaines circonstances permet peut-être, sinon d'expliquer, du moins d'appréhender un incident que l'on observe dans quelques faits d'apparitions mtahomaes : la faculté qu'ont les voyants de se soulever les uns les autres sans effort apparent. Ainsi, à l'Ile-Bouchard, en 1947 :


Ce que fera la Dame [embrasser les enfants], en se penchant vers Jacqueline et Nicole, les plus grandes, et vers Laura et Jeannette, trop petites, que Jacqueline soulève tour à tour sans le moindre effort, les tenant élevées à bout de bras 100.


Le fait, qui a beaucoup impressionné les témoins, s'est produit quatre fois. La facilité qu'avait Jacqueline Aubry de porter ses petites compagnes est déconcertante :


Laura et Jeannette qui seront, comme lundi, soulevées chacune « comme une plume » par Jacqueline, à bout de bras101.


Le même phénomène a été remarqué très fréquemment à Garabandal :


Rappelons-nous que, durant les extases, les petites voyantes seules peuvent s'entraider pour faciliter un mouvement : pour les autres personnes, leurs membres s'ont d'une rigidité complète. De même pour la pesanteur : entre elles, elles se soulèvent avec une très grande facilité  mais deux hommes vigoureux arrivent à peine à en remuer une 102.


En voici un exemple parmi d'autres :


Alors Jacinta se leva à son tour, prit Loli par les genoux et sans le moindre effort l'éleva comme si elle ne pesait pas plus qu'une plume 103.


Une dernière illustration de ces cas de légèreté étonnante conclura cette étude sur une note assez originale. Ambrogina D'Urso (1909-1954), religieuse italienne, avait subi à la suite d'une chute accidentelle de multiples fractures. Elle avait été opérée, puis plâtrée des épaules à la taille, l'appareil immobilisant également son bras gauche, si bien qu'il fallait plusieurs personnes pour la soulever et la sortir de son lit afin de l'amener à la chapelle, comme elle en exprimait parfois le désir. Un jour - c'était au printemps 1948 -, elle demanda à son infirmière de bien vouloir la porter au choeur. La jeune fille, Anna Sprocatti, se récusa, car elle se trouvait alors toute seule au chevet de l'infirme  résolut à la contenter, lui recommandant de se tenir fermement à son cou avec le bras resté valide. A peine l'eut-elle soulevée qu'elle s'affola, à cause du poids : jamais elle n'y parviendrait ! Mais soeur Ambrogina la regarda en souriant, et au même moment eut lieu le prodige. Son corps devint instantanément léger comme s'il eût été une plume. Incrédule et impressionnée, Anna la porta jusque dans le choeur où elle la laissa, pour retourner dans la chambre et faire le lit104.

Non seulement le corps de la religieuse, mais aussi l'appareillage de plâtre - qui représentait une surcharge pondérale non négligeable, avaient acquis une inexplicable légèreté.



Phénomènes de contre-lévitation ?

A l'inverse de l'extraordinaire légèreté qu'ont présentée parfois certains mystiques, d'autres - et parfois les mêmes - ont connu des extases durant lesquelles leur corps acquérait une pesanteur insolite, au point même que plusieurs hommes robustes conjuguant leurs efforts ne parvenaient pas à les soulever du sol. Ce phénomène de contre-lévitation paraît être lié à la contemplation du mystère de la Croix. Les rares exemples modernes et contemporains que l'on en connaît confirment la relation entre cette pesanteur subite et l'expérimentation, par le sujet, du drame de la Passion du Sauveur. Déjà au XVII° siècle la Vénérable Marguerite Parigot (1619-1648), moniale du carmel de Beaune, sentait son corps devenir


une masse de plomb [...] de telle sorte qu'étant sur sa couche elle ne pouvait lever le bras ni la main, ni pas même soulever sa tête sur le chevet et, étant debout, ne se pouvait soutenir sur ses pieds en aucune façon du monde pas un moment, et avait tout le corps si stupide qu'elle ne sentait rien de ce qu'on lui faisait pour douloureux 105.


Ce n'était pas simplement une impression subjective. Bien que soeur Marguerite du Saint-Sacrement fût très menue - elle mesurait à peine 1 m 30 -, plusieurs soeurs ne pouvaient alors la soulever. Ces soudaines pesanteurs survenaient lorsque la religieuse connaissait de grandes épreuves purificatrices de l'âme, en corrélation avec le mystère de la Croix et dans une perspective réparatrice, ou bien lors d'extases où, partageant les douleurs de Jésus durant la Passion, elle avait également de fréquentes lévitations. D'autres saintes personnes, tels Marie-Madeleine de'Pazzi, carmélite florentine, et Joseph de Copertino, ont présenté cette particularité.


Les stigmatisées belge Rosalie Püt (1868-1919) et canadienne Marie-Rose Ferron (1902-1936) sont créditées du même prodige, qui survenait lors de leurs extases douloureuses. Mais les témoignages, dans l'un et l'autre cas assez imprécis, ne sont guère convaincants. Ainsi, on nous dit de la seconde :


Rose était comme du plomb. Dès qu'elle tombait en extase, le phénomène de la pesanteur apparaissait et augmentait en proportion de la profondeur de l'extase. Rigidité et pesanteur semblaient venir ensemble 106.


C'est peu. Je n'ai pas trouvé davantage dans un pavé de 2094 pages de témoignages et souvenirs, consulté à la Congrégation pour les Causes des Saints. Et l'on sait qu'une personne évanouie semble peser très lourd, or extase et évanouissement sont parfois bien semblables. Rien non plus qui emporte l'adhésion dans ce que rapporte à ce sujet le docteur Imbert-Gourbeyre de la célèbre - et très suspecte - stigmatisée Marie-Julie Jahenny. Cette figure, déroutante à bien des égards, mériterait une étude critique approfondie. S'il n'y a pas eu de fraude à La Fraudais, comme le disait le bon docteur, il reste bien des points obscurs dans cette affaire qui a duré plus d'un demi-siècle.


En revanche, la mystique portugaise Alexandrina Maria da Costa (1904-1955) a été suivie de façon rigoureuse par confesseurs et médecins. A maintes reprises, ils ont mis en évidence la pesanteur tout à fait anormale qui s'abattait soudain sur ce corps amaigri par la souffrance et l'inédie, et réduit à moins de 40 kilogrammes, tandis que l'extatique était unie à la Passion :


Le Dr Azevedo invita un jour un prêtre présent à soulever Alexandrina du pavé : à ce moment précis, elle revivait la montée du Christ au Calvaire, avec la croix sur les épaules. Le prêtre, homme très robuste, la prit sous les aisselles, mais tous ses efforts furent vains. Il murmura : « En y mettant toute ma force, je n'y arrive pas ! » 107.


Alexandrina donnait du phénomène - attesté par de nombreuses personnes - une explication d'ordre purement mystique. Requise par son confesseur de préciser combien pesait la croix invisible sous laquelle elle était comme écrasée, elle répondait invariablement : « Ma croix a un poids mondial ».


Dans ces faits de contre-lévitation, les sujets ont l'impression non d'être lourds, mais de ployer sous un poids énorme assimilé à celui de la croix du Sauveur. La stigmatisée canadienne Catherine-Aurélie Caouette présentait la même particularité au cours de ses extases douloureuses :


J'ai essayé de détacher ses bras croisés, j'ai éprouvé quelque résistance, mais je suis venu à bout de soulever un de ses doigts  paraissaient pas serrés, et je n'ai pas remarqué dans les mains le plus léger effort de résistance active. Après avoir demandé à Dieu de vouloir bien, en faveur du but, me permettre une autre tentative, j'ai essayé à diverses reprises et par divers moyens de la soulever de son siège. Je n'ai pu donner le moindre ébranlement à ce corps et, en essayant de le soulever, j'ai éprouvé l'effet d'un poids énorme qui fatigue celui qui veut le mouvoir 108.


Des phénomènes analogues sont signalés dans divers faits d'apparitions mtahomaes où les visionnaires sont conviés, à titre de pénitence réparatrice, à expérimenter et à mimer les diverses phases de la Passion du Sauveur : à Marta Bolsena, en Italie, près de Viterbe, plusieurs des voyants - parfois de jeunes enfants - ont présenté en 1948-1950 ces phénomènes de pesanteur extraordinaire, attestés par de nombreux témoins. De même à Garabandal, en Espagne, et, relate-t-on, dans le cadre des fausses apparitions de La Ladeira, au Portugal, qui durent depuis quarante ans et dont la protagoniste a quitté l'Eglise catholique.


Lorsque, le 12 avril 1947, débutèrent les apparitions de Tre Fontane, à Rome, le voyant Bruno Cornacchiola constata que ses jeunes enfants, saisis par l'extase avant que lui-même le fût, pesaient si lourd que malgré tous ses efforts il était incapable de les déplacer d'un fil. Attirés dans la sphère de la contemplation, ils lui étaient soustraits, à lui qui appartenait encore au monde  étaient lourds parce que, pour le mondain, l'univers de la prière et du sacrifice est pesant : dès qu'à son tour il fut introduit dans la lumière de la vision, il se sentit léger, comme soulagé d'un grand poids et rempli d'une joie surnaturelle : tout s'était comme éthéré, et il put alors prendre ses enfants dans ses bras. Il y a là un bel enseignement symbolique 109.



La lévitation, signe de sainteté ?

Les maîtres spirituels soulignent le lien étroit existant entre l'extase fonctionnelle - celle qui signale les degrés les plus élevés de l'union de l'âme à Dieu - et la lévitation. Quiconque étudie la vie des mystiques ayant présenté ce phénomène, se convaincra aisément que celui-ci n'apparaît jamais qu'à partir du moment où l'âme entre dans les sixièmes demeures du château intérieur, notamment sous la forme du vol de l'esprit (vuelo del espiritu), défini par sainte Thérèse d'Avila comme une des formes les plus élevées de l'extase. Chez l'extatique, la lévitation est un effet immédiat dans le corps du vol de l'esprit, caractérisé par sa soudaineté et sa violence :


Il se produit dans l'intérieur de l'âme un vol d'esprit aussi rapide que la balle qui sort de l'arquebuse à laquelle on met le feu 110.


Moins d'un siècle plus tard, saint Joseph de Copertino emploiera - sans connaître les écrits de la grande mystique espagnole - exactement la même image :


Quand dans le fusil la poudre s'embrase, elle projette à l'extérieur la décharge, dans le fracas de la détonation. Ainsi en est-il du coeur extatique, embrasé par l'amour de Dieu 111.


Aussi, avant d'étudier les modalités et des formes extérieures que revêt le prodige, est-il nécessaire - dans l'ordre du discernement des esprits d'en souligner la portée spirituelle, sans pour autant négliger la relation étroite existant entre l'âme et le corps. Sainte Catherine de Sienne insiste beaucoup sur cette unité de la personne humaine, le corps étant informé par l'âme à la mesure de l'union de celle-ci à Dieu, et elle met dans la bouche du Verbe divin les paroles suivantes :


Bien que mortelle encore, (l'âme parfaite) jouit du bonheur des immortels et, malgré le poids de son corps, elle reçoit l'intelligence de l'esprit. Aussi maintes fois le corps est-il soulevé de terre, en raison de cette parfaite union que l'âme a faite avec Moi, comme si le corps avait perdu son poids pour devenir léger. Cependant, il n'a rien perdu de sa pesanteur  plus parfaite que l'union entre le corps et l'âme, la force de l'esprit fixé en Moi soulève de terre le poids du corps 112.


Pour elle, comme pour tous les maîtres de la spiritualité, la lévitation ne se produit que lorsque l'âme a atteint l'union parfaite avec Dieu - les sixièmes, puis septièmes demeures thérésiennes -, ce qui suppose une très haute vertu. Dans l'expérience mystique chrétienne, le phénomène est signe de sainteté, comme il l'a été de tout temps et dans toutes les spiritualités :


En Occident, la lévitation fut associée à la sainteté bien avant le christianisme [...] on la tenait déjà pour un prodige survenant pendant les moments d'intense piété, de même que l'illumination du corps [...] Il en est de même en Orient113.


Dans le christianisme, cela ne s'applique qu'aux lévitations accompagnant l'extase fonctionnelle des degrés les plus élevés de l'union de l'âme à Dieu, et non à celles qui accompagnent occasionnellement les grâces charismatiques ponctuelles que sont par exemple les apparitions mtahomaes.


Ceci étant, il ne reste plus qu'à relativiser diverses affirmations énoncées par Olivier Leroy au terme de son étude - par ailleurs remarquable - comme des règles enfermant le phénomène dans un cadre trop rigide pour tenir compte de la souveraine liberté de Dieu en ses dons.


* Le soulèvement est faible (environ une coudée, soit quelque 50 cm).

Sans atteindre les records d'altitude - si l'on peut dire - d'une Marie Madeleine de'Pazzi, d'un Joseph de Copertino ou d'une Mariam de jésus-Crucifié, plusieurs lévitants ont été soulevés à des hauteurs nettement plus conséquentes, ou bien moindres. Il est difficile de vouloir définir une moyenne.


* Il se produit de façon progressive et cesse de même.

Dans nombre de cas, les faits vont à l'encontre de cette affirmation. Dans le rapt ou le vol de l'esprit, le soulèvement est soudain, impétueux, traduisant la force de l'emprise divine sur l'âme. Saint Joseph de Copertino ou Marie de Jésus du Bourg l'illustrent à l'évidence, ainsi que la stigmatisée allemande Barbara Pfister (1858-1909) qui volait comme une flèche vers le tabernacle de l'église paroissiale.


* Le temps d'élévation ne dépasse pas quinze à vingt minutes.

Sainte Thérèse d'Avila - et tous les auteurs qui l'ont suivie - écrit que plus l'extase est intense, moins elle se prolonge. Mais elle explique que l'état extatique connaît une alternance dans son déroulement, une absorption de l'âme moins profonde que le ravissement (rapt) ou le vol de l'esprit succédant à ce dernier. La caractéristique de cette absorption de l'âme est précisément la légèreté (ou l'impression de légèreté) corporelle. Dans l'extase fonctionnelle des sixièmes demeures, c'est parfois le ravissement ou vol de l'esprit qui provoque une lévitation soudaine, signalée par une sorte de violence  en Dieu induit une lévitation plus lente et plus prolongée, et dans cet état le sujet reste capable de percevoir et d'analyser ce qu'il expérimente  peut débuter avec soudaineté pour se poursuivre dans la quiétude et l'immobilité du corps qui alors flotte dans l'air durant un temps plus ou moins long : certains extatiques (Maria de Agreda, Ana Magalhaës) ont connu ainsi des lévitations de plusieurs heures.


* Le corps soulevé garde la position qu'il avait avant la lévitation.

Là encore, les faits démontrent le contraire dans un grand nombre de cas : saint Joseph de Copertino, Ana Magalhaës, Edvige Carboni, d'autres encore, se déplaçaient et faisaient gestes et mouvements durant leurs lévitations.


* La lévitation et les stigmates sont généralement incompatibles.


Hélène Renard écrit :


La lévitation ne se rencontre presque jamais chez les stigmatisés, qui sont généralement atteints de paralysie des membres inférieurs et grands jeûneurs 114.


En réalité, de nombreuses stigmatisées ont présenté le phénomène de la lévitation, non seulement avant leur stigmatisation, mais après la date où elles ont été marquées des plaies de la crucifixion.

*

Il est impossible d'enfermer le phénomène dans un cadre trop rigide, prédéfini. Chaque exemple se présente comme un cas unique, original, qui s'inscrit dans le champ plus vaste de l'expérience chez les mystiques de l'union de l'âme à Dieu. Survenant dans le contexte d'extases fonctionnelles propres au degré d'union appelé par sainte Thérèse d'Avila sixièmes demeures, et par saint Jean de la Croix fiançailles spirituelles, la lévitation est un signe de cette union, et donc du degré de perfection qui y est attaché. A ce titre, elle est signe de sainteté, car elle indique que la personne qui y est sujette a atteint le prélude à l'union transformante de l'âme, qui est achèvement de la vie mystique ici-bas, véritable déification de l'âme et prémices de l'union béatifique des élus avec Dieu. Le récit de l'Ascension du Christ peut, sur ce point précis, éclairer la signification du phénomène de la lévitation : l'élévation du corps ressuscité de Jésus inaugure l'achèvement de son union plénière au Père dans la gloire  de même, la lévitation signale que l'âme du mystique parvient à la perfection ici-bas de l'union à Dieu, qui connaît sa plénitude dans l'union transformante et qui s'accomplira dans l'éternelle union et vision béatifique. C'est pour cette raison qu'elle est chez les saints un signe divin :


La théologie catholique traditionnelle refuse de donner à la lévitation une cause naturelle. Elle en fait un prodige divin ou un artifice démoniaqueà Pour celles des mystiques non catholiques ou même païens, elle ne leur dénie pas a priori une origine divine 115.


Signe authentique de sainteté chez le mystique catholique, la lévitation traduit dans l'ordre physique la libération intérieure à laquelle l'âme est parvenue : de même que, sous l'action de la grâce, l'âme s'est affranchie de la domination et de l'esclavage du péché, de la pesanteur des passions, de même le corps se trouve momentanément exempté des lois qui le retiennent en ses limites géospatiales, comme pour attester en termes visibles la libération de l'âme qui l'anime et le meut.



Annexe



Voici une liste - non exhaustive, tant s'en fait - de personnages qui ont vécu aux XIX° et XX° siècles, et sont réputés avoir présenté des phénomènes de lévitation. Sur la base des témoignages recueillis, en évaluant leur nombre autant que leur objectivité (attestations directes ou de seconde main, contemporaines ou tardives, émanant de personnes à l'esprit critique, ou au contraire portées au merveilleux, etc.), il est possible d'attribuer à chaque cas une notation de 1 à 5 : la plus haute note traduisant des faits observés indubitablement et fréquemment, par des témoins multiples, dans les meilleures conditions  basse sanctionnant des exemples peu et/ou mal attestés. Un astérisque indique les stigmatisé(e)s.

1. Saints et bienheureux.

Saint Fran SUITE DANS LE LIVRE (presque 500 pages...)

1 - Herbert Thurston, Les phénomènes physiques du mysticisme, Paris, Gallimard, coll. « Aux frontières de la science », 1961, pp. 10-11.
2 - Ibid., p. 11.
3 - Francesco Nerone, c.p., Testimonianze e documentazioni sulla Serva di Dio Edvige Carboni, Rome, Ed. Scopel, 1974, pp. 111-112. Procès informatif ordinaire, f° 49 v., témoignage de Chiara Maria Cuccuru. L'incident eut lieu dans l'église paroissiale de Pozzomaggiore (Sardaigne), donc au plus tard en 1929, date à laquelle Edvige Carboni quitta son village natal.
4 - Ibid., p. 112. Documents et témoignages extraprocessoriaux, f° 598.
5 - Domenica Grassiano, f.m.a., Un carisma nella scia di Don Bosco : suor Eusebia Palomino, Rome, Istituto delle Figlie di Maria Ausiliatrice, 1977, p. 134.
6 - [Anon.] : Il Servo di Dio D. Felice Maria Ghebre Amlak (Abba Hayle Mariam), Istitutore e primo monaco del monachismo cattolico etiopico, Tipografia dell'Abbazia di Casamari, 1959, p. 36. Cet ouvrage résume le summarium du procès informatif ordinaire en vue de la béatification.
7 - Etienne Catta, Le Frère André (1845-1937) et l'Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal, Montréal, Ed. Fides, 1965, p. 845. Le témoin a précisé que frère André se trouvait alors étendu sur son lit.
8 - Domenico Sparpaglione, Frate Ave Maria, eremito cieco di S. Alberto di Butrio, della Congregazione di Don Orione, Rome, ED. Don Orione, 1983, p. 76.
9 - Herbert Thurston, op. cit., p. 11. Les repères chronologiques impartis à son étude par l'auteur couvrent une période s'étendant du III° siècle au début du XX° siècle.
10 - Hélène Renard, Des prodiges et des Hommes, Paris, Ed. Philippe Lebaud, 1989.
11 - Olivier Leroy, La lévitation, Paris, Librairie Valois, 1928, p. 349.
12 - Gustavo Parisciani, o.f.m. conv., San Giuseppe da Copertino, Osimo, Ed. Pax et Bonum, 1967, p.89.
13 - Catalina Cerna, Espiritualidad de S. Joaquina de Vedruna, Madrid, Publ. De Vedruna, 1965, 2e éd., p. 462.
14 - Ibid., p. 463.
15 - Francesco Amoroso, s.a.c., San Vincenzo Pallotti, romano, Rome, Postulazione Generale della Società del Apostolato Cattolico, 1962, pp. 399-400. Deux palmes correspondaient à quelque 40 cm. Elisabetta Sanna, veuve Porcu-Sini (1788-1857) était une humble femme d'origine sarde qui s'établit à Rome après la mort de son mari. Affiliée au tiers-ordre franciscain, elle se plaça sous la direction spirituelle de Vincenzo Pallotti. Profondément contemplative, mais douée d'un solide bon sens paysan, elle fut un des principaux témoins des faits extraordinaires survenus dans la vie du saint, et elle déposa lors du procès informatif ordinaire. Sa cause de béatification a été également introduite, et elle a été déclarée Vénérable en 1880. Le plus amusant est qu'elle-même fut sujette à la lévitationà
16 - Ibid., p. 400, rel. Pöppl.
17 - Ibid., p. 400, proc. Vaccari.
18 - Denis Buzy, Le Saint de Bétharram, le bon Père Garicoïts, Paris, Ed. Saint-Paul, 1947, p. 193. Quatre religieuses de la congrégation furent témoins du même prodige, qu'elles relatèrent sobrement par écrit, pour que le souvenir en fût conservé dans l'éventualité d'une procédure de canonisation du « Bon Père ».
.
19 - Ibid., p. 194. Déposition de Jean-Baptiste Taillefer de Bénéjacq au procès informatif ordinaire. L'incident avait eu lieu en 1858-59.
20 - Olivier Leroy, op. cit., pp. 160 ss. L'auteur cite, entre autres, les saints André-Hubert Fournet (+ 1834), Benoît-Joseph Cottolengo (+ 1842) et Marie-Madeleine Postel (+ 1846), ainsi que le saint Curé d'Ars (+ 1859).
21 - Porfirio G. Moreira, Santinha de Arrifana - Ana de Jesus Maria José Magalhaës, Ediçaõ de paroquia de Arrifana, V. Vouga, 1875, p. 261.
22 - Ibid., p. 282.
23 - Ibid., p. 261.
24 - Ibid., p. 261, témoignage du père Manuel Luis Gomes Martins.
25 - Francisco Fornes, o.p.c., Vida popular de la Sierva de Dios Sor Ana Francisca de las Dolores de Maria Cirer y Carbonell, Palma de Mallorca, éd. Privée, 1943, p. 268. En dépit de son titre, l'ouvrage est solidement documenté, l'auteur ayant fait appel aux sources du procès informatif, qu'il cite largement.
26 - Ibid., p. 268. Témoignage de soeur Maria Ana Ramis Cabot au procès informatif ordinaire.
27 - Pierre Roberdel, Marie-Julie Jahenny, la stigmatisée de Blain, Montsûrs, Résiac, 1974, p. 146. L'auteur signale que « le dossier Charbonnier mentionne, à diverses reprises, des extases d'élévation. On ne semble pas connaître le terme consacré, en mystique, pour ce genre de phénomène qui s'appelle la lévitation ».
28 - Francisco Fornes, op. cit., p. 280.
.
29 - Ibid., p. 278. Témoignage de Magdalena Mir Serra au procès informatif ordinaire.
30 - Ibid., p. 272. Témoignage de Ramón Morey Vallès au procès informatif ordinaire.
31 - Hélène Renard, op. cit., p. 114.
32 - Abbé J. Bersange, Madame du Bourg, Mère Marie de Jésus, fondatrice de la Congrégation des Soeurs du Sauveur et de la Sainte Vierge, Paris, Delhomme et Briguet Editeurs, s. d. [1891], p. 312.
33 - Angela De Spirito, a.s.c., Maria De Mattias, mistica, Rome, Ed. Sanguis, 1974, p. 80. Témoignage de Pia Anzini au procès apostolique d'Anagni.
34 - Ibid., p. 81. témoignage d'Angela Costantini au procès apostolique d'Anagni.
35 - Ibid., p. 80. Témoignage de Maria Anna Capello au procès apostolique d'Anagni.
36 - Cardinal Giuseppe Gusmini, Beata Clelia Barbieri, fondatrice delle Minime dell'Addolorata, Bologne, Ed. Paoline, 1978, pp. 94-95. Déposition d'Anna Forni. Clelia Barbieri a été canonisée en 1989.
37 - Ibid., p. 94. Déposition de Francesca Parmeggiani. Teresa Solari (1822-1908) fonda la Petite Maison de la Providence à Gênes. Mystique tout à fait méconnue, elle a laissé d'abondantes notes et relations spirituelles, rédigées à la demande de ses supérieurs ecclésiastiques, dans lesquelles on a retrouvé mention de ses mystérieux colloques à distance avec Clelia Barbieri, qu'elle ne rencontra jamais ici-bas. Il a été possible, à partir de là, d'établir pour chacun des faits relatés par les deux femmes une parfaite correspondance de dates et de circonstances.



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